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un logiciel n'est pas une oeuvre d'art

Je réagis ici dans le cadre d'un débat qui s'éternise dans le monde des réflexions sur les licences libres appliquées à l'art (je sais que je ne fais que répéter sans doute ce que d'autres ont déjà écrit ou dit, mais tant pis). Une réflexion était proposée sur l'excellent site culture libre (http://culturelibre.net/article.php3?id_article=120). Les problèmes soulevés sont assez techniques, et je pense que bien des artistes ne verront pas de quoi il est question. Mais je reste persuadé qu'au fond se joue là une réflexion d'une extrème importance : le monde contemporain (capitaliste/technique) tend à comprendre toute chose sur le modèle de la création technique (je pense qu'heidegger ou simondon ne serairent pas très étonnés qu'on en soit là :) ET c'est là un enjeu majeur de notre avenir.

L'auteur de l'article ayant entrainé ma réaction disait ceci :
"Si le logiciel est une oeuvre intellectuelle et demande des efforts après sa création pour assurer son cycle de vie au même titre, l’art est une oeuvre intellectuelle qui demande également des efforts après sa création pour assurer sons cycle de vie."

j'y réponds en ces termes :

Tu précises par la suite que ton point de vue est économique. Bon.. J’ai envie d’ajouter que si on te suit, il en va exactement de même de la production de n’importe quel objet : la conception d’une chaise ou d’une automobile ou d’un médicament demande également des efforts après sa création pour assurer son cycle de vie. Il en va ainsi de tout produit de la techné humaine (pour reprendre le concept des grecs). ET dans ce contexte les questions liées aux protections du copyright peuvent être abordées de manière générale -et c’est là le danger d’ailleurs : car le legislateur peut être tenté d’aborder la question du copyright sans tenir compte de la spécificité ou de la destination des idées dont il est l’objet (et on voit bien aujourd’hui les enjeux éthiques et humains quand on néglige la spécificité des médicaments, des logiciels ou des oeuvres de l’art : je renvoie ici au livre de florent latrive)

A titre personnel je suis tout à fait opposé à cette assimilation du logiciel à l’oeuvre de l’art. Et je ne peux me résoudre à n’aborder ces problèmes que sous l’aspect économique, qui me semble tout à fait réducteur et susceptible d’engendrer bien des contradictions et des faux débats. J’ai des tas de raisons que j’exposerai plus longuement ailleurs, mais dont je donne ici les plus frappantes :

il m’arrive de programmer de petites applications en python ou php par exemple. J’écris aussi des chansons, j’écris tout court, je pratique égalemant la "performance" (au sens de l’art contemporain). J’ai beau chercher : je ne vois pas de commune mesure entre ces deux types d’activités créatrices. Dans mon for intérieur, pour autant que j’en puisse juger, ces deux processi créatifs ne font absolument pas appel aux mêmes ressources psychiques et physiques. Quand j’écris des lignes de code ou quand je debugge mes appli, je me sens dans la peau d’un technicien avant tout, et j’en éprouve la jouissance qui peut accompagner cette activité. Quand je pratique de l’art, la dimension technique demeure tout à fait secondaire. Cela met en jeu des forces auxquelles je m’abandonne (ou pas), des aspects incommunicables : il se peut qu’après coup l’une de ces expériences créatives soit reprise dans le cadre de la réalisation d’une oeuvre "présentable" ( :) : n’empêche, les processi relatifs à la création technique et ceux relatifs à la création artistique n’ont de mon point de vue rien de commun. Comme j’aime bien pousser les choses à bout je dirais que l’art engage ma vie entière (et pourrait même la mettre en péril d’une certaine manière) alors que la technique ne requiert qu’une maitrise technique -ne met en jeu pour ainsi dire que la partie consciente de mon psychisme.

A ce niveau de l’analyse de ce que c’est que la création, on est bien loin (mais alors très loin) de l’advenir économique des oeuvres. Et je veux bien admettre qu’il existe effectivement un marché de l’art tout comme un marché du logiciel. ET je sais bien qu’il existe des créateurs qui créent consciemment en fonction du marché (les chanteurs de chez universal par exemple). Mais j’ose espérer que ça ne puisse constituer pour nous un modèle pertinent (même si au fond, c’est bien le modèle sur lequel reposent les discours dominants de l’industrie du disque aujourd’hui !)

Il n’y a à mon sens rien de commun "à l’origine" entre les livres d’arno schmidt ou de malcom lowry, et les pages de code qui constituent les logiciels The Gimp ou SCribus (pour prendre des exemples qui me sont chers :) Rien de commun "à l’origine" entre une chanson de Nick Drake, des photographies de francesca woodman et linux ou python.

Nick Drake et Francesca Woodman, Malcom Lowry et Arno Shmidt, ont mis leur existence même en jeu dans leurs oeuvres. Leur vie est leur art. Ce sont des artistes de part en part. Leur travail est d’abord solitaire -pas collaboratif ou alors à tirer par les cheveux on pourrait dire que la vie entière communique avec eux). Bref, un créateur de logiciel n’est pas un artiste, ou alors faut redéfinir complètement ce qu’on appele sous ce nom "artiste". Que tous soient des créateurs, ou des "auteurs" au sens du droit, pourquoi pas. Mais à l’évidence, ni les processi de création, ni la destination des oeuvres ne sont ici comparables. Du coup, la question du copyright ne saurait se poser dans les mêmes termes. je pense notamment à la clause autorisant ou pas dans une certaine mesure les "modifications" et les "oeuvres dérivées" (qui est en réalité une clause centrale qui détermine deux philosophies très différentes du copyleft). Ces clauses constituent le coeur même de la création informatique, on est d’accord. Mais, pour les artistes que j’ai cités (et pour beaucoup d’artistes que je connais), ce genre d’autorisations n’aurait aucun sens. Modifier un refrain d’une chanson de NIck Drake ? Changer un iota du texte d’arno schnmidt, créer des oeuvres dérivées à artir des photos de F. Woodmann ?? Je serais le premier à m’en indigner au nom de l’amour que j’ai pour ces gens là !

Je vais vous raconter une anecdote : un jour je reçois un disque de musique éléctronique, basé sur des samples, notamment de musiques indiennes. Sur un des morceaux je reconnais la voix d’une chanteuse traditionnelle indienne que j’aime beaucoup. Je regarde sur la pochette du disque : nul crédit, nul mention de cette chanteuse. Or le morceau était complètement fondé sur cette voix. J’écris à l’auteur et lui demande s’il peut me donner le nom de la chanteuse en question : il me répond en substance : "non, on s’en fout, j’ai trouvé ça sur un disque de samples tout préparé". Je trouve cette désinvolture inacceptable (et j’en profite ici pour dénoncer ceux qui récupèrent et publient des enregistrements de musiques traditionnels sans faire aucun cas des artistes qu’ils enregistrent -je ne parle pas des ethnomusicologues qui ont une éthique, eux - mais de certains occidentaux qui font beaucoup d’argent sur le dos de gens qui n’ont jamais entendu parler du droit d’auteur). Parce qu’il n’y a dans cette "démarche" aucun respect de l’artiste original, et aucun travail collaboratif d’aucune sorte.

A ce sujet on entend souvent dire : la création "artistique" est comparable à l’aspect collaboratif de la création logicielle, en ce sens qu’un artiste ne crée au fond jamais seul, qu’il est toujours marqué par une tradition, des gens qui ont écrit ou composé avant lui etc.. Là encore, je pense qu’il s’agit d’une assimilation hative. Certes on fait maintenant du remix en musique un art. Soit.. ça ne me gène pas. Mais de là à en faire le modèle même de la création artistique, il y un pas qui me parait tout à fait inopportun. Les inspirations, comme on dit (je n’ai pas d’autres mots là), qui animent l’artiste font évidemment appel à une certaine présence -souvent inconsciente- de ce qui s’est fait avant lui (la culture de l’artiste si vous voulez, mais aussi, la somme de ses expériences, ses souffrances et ses joies, sa vie même). Est-ce comparable au travail collaboratif des créateurs de logiciels ?? Quand je modifie un script écrit en python, je me contente d’utiliser un outil, de profiter d’une astuce découverte par un autre. Quand j’écris une chanson ou que je réalise une performance, c’est toute mon expérience qui entre en jeu pour nourrir l’acte créateur.

Bref.. ET si on se penchait un peu sur ces dimensions de la création, si on cessait d’être obnubilés par l’économique, si on prenait en compte au coeur même de la réflexion sur les licences libres et le copyleft, les spécificités de la création, plutôt que de créer l’illusion d’une communauté "collaborative", certes rassurante, mais qui ne serait fondée que sur des ressemblances superficielles.

J’emets ici l’hypothèse que ces assimilations abusives dans le cas des réflexions sur le copyleft, sont relatives à l’histoire même du developpement des mouvements du libre. Premièrement : le libre est né d’abord dans le cadre de la création informatique. Secondement : les premiers artistes à avoir considéré sérieusement la question du copyleft sont les utilisateurs de samples, et par extension les créateurs de musique utilisant l’informatique comme instrument, et, dans le même temps, les créateurs d’arts numériques en général. A ce niveau, l’assimilation était assez logique. Si l’on considère maintenant la diversité des créations artistiques il est à mon sens impossible de s’en tenir à une telle assimilation : ce serait là réduire de manière impropre un champ immense d’expériences, de pratiques, de finalités.

Je conclus donc (provisoirement) : un logiciel n’EST pas une oeuvre d’art. Le droit doit marquer cette différence. Une réflexion sur le copyleft appliquée à l’art doit se démarquer des critères dont elle use habituellement quand elle s’intéresse aux logiciels.

Réponses

  • excellent, à publier en article ça, cher !

    pour différence logiciel oeuvre d'art,
    évidemment,
    incidence notamment : un logiciel libre doit être diffusé avec son code source ;
    il ne saurait à mon avis en être de même pour une oeuvre d'art
    (encore qu'on pourrait discuter à propos des pistes d'un morceau, mais.. infaisable)
    ce sont deux domaines différents. punkt.
  • oui
    je ne crois qu'un morceau puisse être réductible à un code source. La partition n'a rien d'un code source (pour autant qu'il y ait jamais eu une partition d'ailleurs). Mais à supposer qu'on écrive la partition d'un morceau, ces signes inscrits sur la feuille ne sont pas la musique. Elles ne sont que la transcription écrite d'un phénomène sonore. La preuve : une immense majorité de musiciens n'ont jamais écrit la moindre note sur une portée. (La sacem a fini par le prendre en compte d'ailleurs assez récemment en n'obligeant plus le dépositaire à fournir la partition de ses oeuvres. Un enregistrement suffit désormais. J'ai d'ailleurs une pensée émue pour tous les professionnels de la musique dont le boulot constituait à transcrire la musique de ces pauvres rockers analphabètes afin de finaliser le dépot à la sacem :)
    Même le modèle de la musique "classique", qui suppose un interprète s'appropriant et interprétant une oeuvre à partir de sa transcription, n'est plus de mise.
    la plupart des outils que les groupes inventent (littéralement) pour jouer ensemble, des repères écrits ou pas, n'ont de sens que pour eux, et ne permettraient pas à un autre de rejouer le morceau s'il n'en a pas écouté une version enregistrée auparavant.

    A supposer enfin qu'on livre avec la chanson les différentes pistes qui la composent (encore faut-il qu'il y ait effectivement des pistes mutliples !! Que fait-on de ceux qui enregistrent sur une seule piste, tout en bloc, en live ?), qu'y gagnerait-on ? Imaginez : vous disposez de la piste voix, e la piste basse, de la piste batterie etc.. BON.. c'est cool pour faire un remix ou des samples.. ET après.. En quoi la collection de ces diférentes pistes (le cas échéant) serait plus proche du morceau original que l'enregistrement final lui-même ?
    J'irai même plus loin : en quoi l'enregistrement (CET enregistrement réalisé et gravé ici et maintenant) incarne l'oeuvre ? Il s'agit là d'une inteprétation, à un moment donné, par certains musiciens. Mais l'oeuvre elle-même se laisse-t-elle réduire à une interprétation (fut-elle la "première", l'originale) ?

    humm, j'ai un peu mal au crâne là.. pas vous ?
  • Bien intéressant tout ça, et je te rejoins complètement, Dana, dans ton argumentation : j'ai d'ailleurs eu moi même affaire à ces affirmations péremptoires de l'équivalence code-création artistique, équivalences contre lesquelles je me suis élevé également (sur la liste copyleft_attitude, avant que je ne la quitte).

    Le problème théorique qui est posé par l'équivalence entre codage et création n'est pas nouveau. Déjà, en 1997, avant qu'on ne parle de licences, je notais (et dénonçais) dans un article l'assimilation faite par pas mal d'auteurs des SHS, dont des gens comme Philippe Quéau, Baudrillard, Stiegler, Sauvage, etc., entre la notion de "langage" et celle de "code" dans le contexte de l'image numérique. Or les textes que j'avais analysés dataient des années 80, des débuts de l'image de synthèse, où ces questions se posaient dans des termes comparables à ceux d'aujourd'hui, pour les licences. En gros, on a un fonctionnement par analogie qui postule que tout code est un langage à partir du moment où un code repose sur une syntaxe et un lexique.

    C'est oublier un peu vite que les langages humains, contrairement à ceux des ordinateurs, ont pour fonction de représenter quelque chose du monde pour des esprits capables de les interpréter. Selon le philosophe et logicien Peirce, qui à la même époque que Saussure, mais dans un contexte théorique très différent, a théorisé la sémiotique (la science des signes), un signe se définit ainsi : "Par Signe j'entends quelque chose quelle qu'elle soit, réelle ou fictive, qui peut avoir une forme sensible, est applicable à quelque chose d'autre qu'elle-même, qui est déjà connu, et qui est capable d'être interprété de telle manière dans un autre signe que j'appelle son interprétant qu'elle communique quelque chose qui peut ne pas avoir été préalablement connu sur son objet [et] il y a ainsi une relation triadique entre tout Signe, un Objet, et un Interprétant." (http://www.univ-perp.fr/see/rch/lts/marty/76-fr.htm). Cette définition n'a rien d'idiosyncrasique, mais s'inscrit dans la tradition aristotélicienne, puis scolastique : c'est donc quelque chose d'assez universel pour qu'on puisse s'appuyer dessus dans des raisonnements. Un signe, c'est quelque chose utilisé par quelqu'un pour représenter quelque chose d'autre à l'attention de quelqu'un d'autre (Aliquid Stat Pro Aliquo). C'est donc la mise en relation, indissociable, entre une manifestation physique perceptible (le "signe", ce que Peirce appelle le "representamen"), un objet (réel, ou imaginaire) et une pensée interprétante (qui est elle-même un signe).

    schema.gif

    Le representamen (ou "signe") détermine l'interpretant à faire un lien avec l'objet : c'est ça, qu'on appelle "processus interprétatif", ou processus de signification. C'est ça, un langage, pour nous, les humains, une fois épuré de toutes les variations et résumé dans un modèle théorique, celui de la sémiotique.

    Je mets au défi quiconque n'est pas le programmeur d'un code source de réussir à interpréter le code source d'une image ou d'une musique de manière à reconnaître l'image ou la mélodie correspondante. Car un code source est un programme (une succession d'instructions) qui ne peut être "interprété ("interpréter" est ici pris dans un sens métaphorique : "exécuté" serait plus exact) que par la machine à laquelle il est destiné. Tout simplement, car un code source n'établit pas de relations entre un objet, un representamen et un interpretant. Un code source n'a pas une structure triadique (R-O-I).

    Ce qui peut obéir à la définition du signe qui est donnée par Peirce, c'est non pas le code, mais l'objet humainement perceptible (le "representamen", c'est à dire la manifestation perceptible du signe) que le code source détermine. Le code d'un jeu vidéo ne représente pas quelque chose du monde pour un sujet interpretant : le jeu vidéo visualisé sur un écran par un joueur, lui, oui. La courbe d'un sample, qui établit une relation analogique entre une onde sonore et une représentation graphique sur un écran, ne me permet pas, à moi qui suis musicien, de deviner la mélodie ou la voix qu'elle schématise : tout au plus, je puis en inférer les écarts de volume, l'amplitude relative des sons, mais pas la mélodie qu'un sujet interpretant entendra lors de l'éxécution du code source de ce sample.

    Ce n'est que sur la base d'une analogie (ici une métaphore, voire d'une métonymie) qu'on peut établir l'équivalence entre code source et langage (signe). Mais une analogie, dois-je ici le rappeler, n'est pas la garantie d'un raisonnement rigoureux...

    Ce qui me semble sociologiquement intéressant, c'est cette opération qui consiste, pour les informaticiiens, à se saisir de cette mauvaise analogie, et ce depuis plusieurs années : en gros ce discours tient depuis les années 90 et on entrouverait certainement des traces antérieures. Ils se saisissent de cette analogie pour établir, dans leurs raisonnements, l'équivalence entre code et langage, analogie qui se transforme ensuite en une nouvelle analogie entre langage et création artistique. Tout ce passe comme si le champ de la technique ne pouvait supporter de voir son extension généralisée à toutes les strates du social sans accéder en parallèle à la dignité supposée des "oeuvres". Dans le même temps, disons à partir des années 60/70, les concepts d'oeuvre et d'auteur on été dénoncés comme catégories de sens commun par des auteurs comme Foucault (l'archéologie du savoir) et déplacés : la notion de réseau discursif (Foucault), ou celle d'intertextualité (Kristeva, etc.) tente alors de travailler la vieille idée "d'influence" pour la faire quitter les lieux communs des études littéraires et lui donner une charpente un peu plus sociologique. Aujourd'hui, l'informatique se saisit métaphoriquement de ces notions sémiotiques et tente de les intégrer dans son sens commun en valorisant l'idée d'un travail collaboratif : il y aurait langage car les codes source seraient créés pas plusieurs personnes tout comme il y a discours là où s'interpénètrent le texte et l'intertexte. "Donc" le code d'un programme serait "comme" le discours chez Foucault : sous entendu un discours sans sujet, sans auteur. Et les acteurs du copyleft de citer abondemment Foucault, d'ailleurs, pour justifier et légitimer à peu de frais leur opération de traduction des concepts foucaldiens dans leurs éléments doctrinaux. Oui, mais tout ça pour dans le même temps, après avoir liquidé la notion d'auteur-sujet, revendiquer un statut d'artiste ! Et la légitimité sociale qui va avec : légitimité écrasante, dans le champ de l'art contemporain, celui des galeries et des institutions à gros budgets et commandes d'Etat... on ne parle pas là, bien entendu, de ces arts populaires que constituent le rock, la techno ou le graph...

    Bref, je n'ai pas le temps de développer plus ici, et il y aurait là un véritable travail d'analyse de discours et de décorticage idéologique des présupposés et enjeux sociaux qui structurent la parole des informaticiens. Ce chantier, je n'ai pas le courage de l'ouvrir scientifiquement, mais j'ai pris conscience intuitivement de ce que je présente plus haut au cours de mes multiples discussions avec certains acteurs de l'informatique libre. l ya là des déplacements fort intéressants à pister : d'un côté des techniciens de l'informatique qui revendiquent un statut d'artistes, de l'autre des revendications des artistes à accéder, y compris au niveau statutaire de la définition des postes dans les institutions, à un statut de scientifique-fonctionnaire (je ne développe pas, mais je vous demande de me croire sur ce point). je ne sais pas comment expliquer ces déplacements, mais je les trouve fascinants...

    +A+
  • l ya là des déplacements fort intéressants à pister : d'un côté des techniciens de l'informatique qui revendiquent un statut d'artistes, de l'autre des revendications des artistes à accéder, y compris au niveau statutaire de la définition des postes dans les institutions, à un statut de scientifique-fonctionnaire (je ne développe pas, mais je vous demande de me croire sur ce point)

    On veut bien te croire :)

    Bon j'ai relu plusieurs fois ton post (j'ai perdu quelques neurones depuis que j'ai cessé mes "études"). Ces déplacements sont effectivement fascinants, et c'est d'ailleurs ainsi, par déplacements, assimilations, analogies, qu'une société se ré-organise. Et c'est possible (et ça fonctionne et crée de nouvelles formes d'organisations) parce que le langage est tissé d'ambiguités. Du coup les significations évoluent au gré des désirs, des intérêts, de motivations conscientes et inconsientes, les systèmes de valeur varient au gré des mêmes désirs, intérêts, etc.. Et je me demande à quelles significations renverra le mot "artiste" dans quelques années. Je songe au bouquin de P.M. Menger : « Portrait de l’artiste en travailleur. Métamorphoses du capitalisme ». Et ce que ça signifie d'être artiste pour P. Nègre, Donedieu de Vabre, l'intermittent du spectacle, l'association des peintres animaliers de la communauté de commune du bas-valais, le sculpteur aborigène d'Australie, l'adolescent qui écrit des poésies pendant le cours de physique, etc..etc...

    A l'évidence un code source ne signifie rien (l'ambiguité n'y est qu'un bug, ou une erreur). C'est mécomprendre que le langage humain est foncièrement ambigu que de parler d'un "langage" informatique.

    Mais pour parvenir à penser le technicien comme artiste, il faut d'abord réaliser de force l'assimilation code-source/langage humain et tirer parti en quelque sorte de la désacralisation de l'artiste (son institutionnalisation - contre laquelle Dubuffet s'était déjà elevé), pour légitimer l'idée que ceci ait un sens.
    (je ne fais que redire avec mes mots ce que tu dis.. J'espère que j'ai à peu près saisi le mouvement de ta pensée ?)

    Un truc résonne en moi soudain : cette idée du "tous artistes" ou de "l'art c'est la vie", dont j'imaginais qu'elle finirait bien par s'imposer au début de ce siècle (j'imaginais aussi d'aillleurs, quand j'avais 20 ans, qu'on en viendrait forcément à l'instauration d'une véritable civilisation du loisir -et de l'art, et même d'un revenu minimum de vie -je vous parle de ça c'était les réflexions qu'on se faisait dans le milieu post-punk des années 86 et suivantes.. : pfouaaaaaaaaaaaa j'arrive pas à croire qu'on en soit là aujourd'hui.)
    En réalité, le "tous artistes", on y vient au bout du compte : mais pas du tout au sens où nous l'entendions alors (et Duchamp se retournerait dans sa tombe s'il voyait cela) - mais dans ce sens étrange où l'artiste a été assimilé par l'institution et le marché -comme un fonctionnaire au service des administrés, ou un fournisseur de jingle pour téléphone portable, ou donc : un informaticien -fut-il "rebelle"-.)


    Je note aussi ta distinction auteur-sujet / artiste : j'ai écrit un truc là dessus, considérant que pour l'auteur on pouvait au moins se référer au texte de loi (qui vaut ce qu'il vaut, mais qui a le mérite d'exister), tandis que de l'artiste le droit ne parle pas (ou si peu ou de manière si flou). Donc on est autorisé à se faire sa propre idée de ce qu'est un artiste, les significations n'étant pas fixées (comme pour tous ces jolis mots comme liberté par exemple) : du coup, artiste c'est quand même plus bandant qu'auteur, plus valorisant (et c'est bien de valeur dont il est question là), donc comment s'étonner de ce désir d'artiste qui semble titiller tout un chacun.
  • revenu minimum de vie -je vous parle de ça c'était les réflexions qu'on se faisait dans le milieu post-punk des années 86 et suivantes.. : pfouaaaaaaaaaaaa j'arrive pas à croire qu'on en soit là aujourd'hui.)

    ouais ; relire André Gorz. . .

    rrhhhâââââ
  • pour ceux que ce débat intéresse encore (logiciel vs oeuvre d'art) quelques réponses à mon premier mail sur http://culturelibre.net/article.php3?id_article=120
    je n'en dirais mot mais..

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