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le témoignage d'un artiste sur le DASVI

novembre -1 modifié dans Economie de la musique
http://www.another-record.com/jullianweblog/?p=41

Jullian Angel, dont le troisème album sort incessament sous peu sur another record, réagit à la lecture d'un article dans le mag EPOK concernant l'inudstrie de la musique à l'ère numérique.

Texte remarquable à; mon avis, réaliste et modéré, de la part d'un artiste qui s'est inscrit il y a bien longtemps à la sacem (à l'époque où on ne se posait pas trop de questions), et qui se situe en rupture avec cette noble instituition.
En gros sur la couverture du magazine de la Fnac, Epok, dans le numéro de la semaine dernière : “La musique gratuite tue“…. Et sous couvert d’exposer les données du débat actuel, on nous livre un dossier clairement orienté, grossièrement partial, sur un sujet qui mérite recul et pragmatisme. Enfin, difficile d’attendre autre chose du magazine officiel de la Fnac. On ne les imaginait pas applaudir à l’amendement voté en faveur de la license globale, qui légalise le téléchargement… Une tribune ou un éditorial, voilà qui aurait été plus honnête et cohérent, au lieu de faire mine d’éclairer le lecteur sans arrière-pensées…

J’ai lu l’article, puis le débat, entre le PDG de la Fnac et Didier Mathus, député PS pro-license globale. Ce dernier dit de très belles choses, et condamne bien le caractère liberticide de la loi telle qu’elle était proposée par le ministre de la culture à l’origine ; mais sur la license globale, il est presque obligé lui-même d’avouer que cette solution ne tient pas la route, pas pour le moment. Trop difficile à appliquer : comment seront réparties les sommes collectées, comment seront-elles collectées efficacement ? Et pourquoi certains devraient-ils payer pour d’autres ? Dans mon cas par exemple, qui ne pratique pas les réseaux peer-to-peer, ne télécharge que des musiques légalement téléchargeables à priori (en général proposées sur les sites d’artistes), ça me fait le même effet que la taxe sur les supports vierges, qui est supposée revenir à des artistes comme moi (puisqu’étant à la Sacem, j’en reparlerai bientôt d’ailleurs…), mais finalement je paye pour venir en aide à d’autres visiblement…

En fait, c’est un débat qui nous ignore tout simplement, les labels assiocatifs, les “non-professionels”. Tout reste centré sur l’industrie du disque, et la mention “les artistes”, utilisée à tout bout de champ dans les médias depuis 2 mois, ne désigne qu’1 % d’artistes-musiciens en France, ceux qui en vivent plutôt bien et à qui on tend un micro. Là, dans Epok, les avis recueillis de différents musiciens sont à peu près unanimes : “On nous vole, on tue la création !“. J’ai du mal à vraiment me mettre à la place d’un Raphaël ou d’un Axel Bauer, à penser uniquement “métier”. On entend la voix d’un certain corporatisme, mais sur l’accès à la culture, l’appauvrissement de l’offre musicale, c’est le mutisme. Et sur les drm, le flicage légalisé d’Internet et du simple fait d’écouter un disque (rappelons-nous que les CD “copy controlled” du marché sont tout bonnement en infraction, avant la loi DADVSI), on ne les entend pas beaucoup non plus. La license globale a complétement crispé le débat, elle masque le reste. A commencer par cette énorme escroquerie médiatique qui consiste à faire croire que la crise du disque est dûe au téléchargement sur internet, au peer-to-peer ; tandis que les études sérieuses menées régulièrement sur le sujet, n’ont toujours pas établi de lien probant entre ces deux facteurs.

Quand le président de la Sacem prend son air tragique pour nous expliquer que chaque album téléchargé sur internet est une vente de moins, et autant de droits d’auteurs envolés, croit-il vraiment à un fantasme pareil ? Couper le robinet à MP3’s d’internet ne raménera pas les gens chez leurs disquaires, ni sur les plateformes de téléchargement légales, ou très peu de gens à mon avis. C’est la gratuité qui crée un telle masse de téléchargement, pas une pulsion de mélomanes ;les gens qui n’achètent plus de disques depuis des années ne reviendront pas en arrière pour la plupart, encore moins les jeunes.

Denis Olivennes, le PDG de la Fnac, pointe du doigt le fait que ces mêmes jeunes n’hésitent pas à mettre des fortunes en sonneries de portable dernier cri, tandis qu’ils n’achètent plus de disques. C’est donc qu’ils ont l’argent s’ils le veulent bien, que le CD en France n’est pas si cher ? Rien à voir… Le problème est ailleurs ; quand un ado achète une sonnerie de portable de quelques secondes à 3 euros, il n’achète pas de la musique, il achète un accesit social, un passeport de l’être-cool, son acceptation auprès des autres. Il achète un signe de reconnaissance. Idem pour les balladeurs mp3’s (dont la Fnac est d’ailleurs le plus gros vendeur, tu parles d’un paradoxe…), il ne s’agit pas tant de musique, que d’intégration et de bien-être. Du reste, c’était déjà le cas du temps des premiers radio-K7, des premières platines CD, des premiers walk-man Sony. Mais la musique gardait encore un autre pouvoir d’attraction, une certaine aura qu’elle n’a plus. La musique n’est plus tellement un accesit social, juste une toile de fond, un flux sonore. C’est une tapisserie beaucoup trop luxueuse à produire désormais pour ne faire que tapisserie, d’où la loi DADVSI.

Et je ne me réjouis pas spécialement de cette dévalorisation du disque, ni du désintérêt de la jeunesse, de la trop grande banalisation du signifiant “musique”, ou du fait qu’on n’écoute plus guère d’albums, mais juste des play-lists aléatoires de MP3’s . Je n’applaudirai pas non plus à l’écroulement de l’industrie du disque (mais on en est loin de toute façon), ça reviendrait à quoi : à jeter symboliquement les 3/4 de ma discothéque par la fenêtre ? Sous prétexte qu’il s’agit d’albums parus sur des majors, ou sur des labels rachetés depuis par une major, ou distribués via une major (pour exemple, rappelons-nous que Radiohead ou PJ Harvey sortent sur une major) ? Je ne me réjouis pas d’apprendre qu’Universal licensie, pourquoi cela devrait-il moins me toucher que les licensiements de Danone ? On parle bien d’industrie, non ? Simplement, à choisir, je préfère qu’on ait perdu ce caractère un peu “précieux” de la musique, mais qu’elle permettre l’émergence d’un tas d’autres artistes, ou de labels associatifs comme Another Record, plutôt que de tout reverouiller, en nous expliquant à quel point la noble création musicale (celle des professionels, pas les “musiciens du dimanche”), pratiquée par Obispo et consorts, mérite respect, ventes et matraquage, et surtout le droit de laisser dans l’ombre des milliers d’autres musiciens…

Même le meilleur des disques ne méritera jamais de se vendre à 1 million d’exemplaires, c’est une aberration, tant d’attention pour un seul album quand il en sort autant d’autres chaque jour… Et comme de surcroit, l’offre des majors me semble plutôt largement en dessous de la moyenne, en terme de qualité artistique ; je préfère ce gros cafarnum actuel, avec des disques durs saturés en giga-octets de fichiers musicaux, où au moins il se glissera bien quelques perles dans la mêlée, plutôt que des dossiers “ma musique” tristement sobres et semblables, avec uniquement les 10 meilleurs ventes du top 50.

C’est aussi édifiant de voir décortiqué, toujours dans Epok, le coût réél de production d’un album, et qui gagne quoi sur le prix final. Bien sûr, l’exemple (le dernier Thomas Fersen) est un CD vendu à 17 euros, donc en prix vert, mais ça ils évitent bien de préciser que dans 6 mois, il sera à 23 euros… La méthode est supposée nous faire pleurer sur le sort du producteur, qui investit tant d’argent sans être sûr d’y gagner ensuite, si l’album se vend mal. En effet, le risque est réel, je ne le nie pas, mais quand je vois les sommes engagées pour la fabrication d’un clip (40000 euros), pour des photos presse (3000 euros), ça me fait plutôt l’effet inverse, je n’ai vraiment pas envie de pleurer sur le sort du producteur, ou de l’artiste, ou de la Fnac… Bon sang, ont-ils idée du coût de production pour un album “indie” ? Et quand Vincent Delerm voit pour le futur une prolifération de home-studistes, “mais je ne suis pas sûr que de n’avoir plus que des albums enregistrés à la maison sur des synthés soit satisfaisant…“, dit-il, j’ai envie de lui faire écouter de force Angil ou Half asleep, tiens, qu’il voit ce qu’on peut enregistrer en home-studio…

C’est un débat déjà trop miné, au fond. Personne n’a entièrement tort ou entièrement raison, ce sont juste des intérêts différents, des définitions très différentes autour des mêmes mots. Et quelques soient les lois ou amendements votés sur le sujet (réponse fin février à l’assemblée nationale), il y aura toujours une part de dialogue de sourd. Parceque dans “produit artistique”, il y a “produit”, et il y a “artistique”… C’est un union qui sonnera toujours bizarre…

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