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Notre Documentation
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le point crucial de la crise du disque
en voilà un titre majestueux
digne des échos..
bon..
Je considère comme véridique que les nouvelles formes de circulation de la musique entraîne un manque à gagner pour l'industrie du disque en général. Ceci est indubitable. Je n'ai pas dit pour autant que les ventes de disques soient en relation avec le téléchargement de la musique sur le net. ça je n'en sais rien.
ce que j'avance, c'est que les nouveaux outils à disposition des musiciens, et notamment les licences libres, et la possibilité de diffuser sa musique sans passer par la réalisation d'un objet disque, et donc, sans s'intégrer aux circuits de distribution traditionnels (en abandonnant donc la perspective d'une mise en rayon chez un disquaire), sans oublier l'existence d'un véritable réseau de promotion pour cette musique ( par le biais de webzines, d'audioblogs etc.), tous ces outils donc, constituent effectivement une menace pour tous ceux qui vivent au crochet du circuit traditionnel de diffusion de la musique qu'on peut appeler pour aller vite : le marché du disque (je parle ici de ce marché qui trouve son aboutissement chez le disquaire).
ce manque à gagner occasionné par ces nouveaux outils n'affecte pas les artistes, ou bien seulement une minorité d'artistes : ceux qui vendent effectivement des disques - c'est-à-dire une infime partie des artistes.
Il risque par contre d'atteindre de plein fouet les personnes qui vivent de près ou de loin de l'existence d'un marché du disque. J'énnumère les secteurs touchés :
- les maisons de disque intégrée au marché, quelle que soit leur taille : non pas tant en ce que les ventes diminueraient, mais parce qu'à voir tous ces artistes se disséminer hors de leur controle, elles voient s'avancer une concurrence nouvelle. Quand le disque (fort cher à fabriquer et à distribuer) constituait le seul moyen de diffuser sa musique, les maisons de disques pouvaient être considérées comme indispensables à la diffusion des arts. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
- les intermédiaires qui accompagnent la musique de l'auteur au disquaire : agents, managers, distributeurs, etc..
- les disquaires eux-mêmes évidemment.
- les studios de production, les ingénieurs du son, tous les techniciens dont l'expertise étaient requise dans le cas d'un disque pressé. On n'a pas toujours besoin d'en faire tant pour réaliser sa musique : les musiciens commencent à prendre conscience du rôle excessif pris par les techniciens ces dernières décennies.
- les sociétés de gestion des droits, lesquelles voient de nombreuses musiques échapper à leur catalogue. Si la perception des droits d'auteur, abandonnées par les artistes sous licence libre, diminue, alors de nombreux agents de la sacem n'auront plus d'utilité.
- la presse musicale, qui peut être remplacée sans trop de dommage pour l'information par les nombreux webzines et audioblogs dont certains sont d'excellente facture.
- les organismes du type IRMA ou les institutions destinées aux artistes en voie de professionalisation, dont l'activité, centrée sur le développement de carrière - et l'inscription sur le marché du disque - risque fort de paraître désuette aux yeux des artistes qui ont choisi de fonctionner à l'aide des nouveaux outils dont j'ai parlé.
Et en général, tous ceux qui vivent de près ou de loin d'une activité liée au marché du disque et à la perception des droits voisins.
Il faut donc bien comprendre que la plupart des discours tenus par l'industrie du disque et toutes les personnes que je viens d'évoquer visent avant tout à défendre leurs propres intérêts : c'est-à-dire à conserver leurs acquis.
Quand tous ceux là agitent le spectre de la paupérisation des artistes, ils le font en vérité parce qu'ils savent bien que sans les artistes leur existence n'aurait pas lieu d'être. tant que les artistes pouvaient conjuguer leurs propres intérêts avec ceux-là, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il est évident aujourd'hui que l'artiste peut fort bien disséminer sa musique en se passant totalement des services apportés par tous ces "experts".
Que l'artiste se paupérise, c'est une contre-vérité : une immense majorité d'artistes sont déjà pauvres de toutes façons, et la disparition d'un marché du disque n'y changera rien.
Il est donc logique que l'industrie du disque cherche à s'inscrire à nouveau, à ttitre d'intermédiaire, au sein même des nouvelles voies de circulation de la musique. la création de sites de téléchargement payant est une tentative en ce sens. La collecte de droits (et surtout des droits voisins) à l'occasion des téléchargements, constituerait également une manne appréciable. La sacem et les sociétés de collecte des droits d'auteur aurait aussi intérêt à capter une partie des sommes en jeu, afin de compenser la diminution de la collecte dans le cadre traditionnel.
Notez au passage que la sacem et l'industrie du disque ont de ce point de vue un intérêt commun : puisqu'ils défendent dans les faits les mêmes auteurs, c'est-à-dire, ceux qui vendent le plus de disques. Les autres (c'est-à-dire l'immense majorité des artistes) n'ont aucun intérêt pour eux (ce sont comme le disait monsieur Petitgirard, président du directoire de la sacem, que des "musiciens du dimanche").
Evidemment j'ai conscience de l'allure provocactrice de ce texte (qui menace d'envoyer au chomage des dizaines de milliers de travailleurs lié au marché du disque). Je me le permets cependant à ce titre que m'horripile la manière dont l'industrie du disque tend à s'exprimer "au nom des artistes", privilège contre lequel il y a tout lieu de s'élever. Les artistes ont toujours été la vache à lait de l'industrie culturelle. Rares parmi eux sont ceux qui en ont vraiment tiré profit. Il faut cesser de présenter le monde de la musique comme une monde impitoyable qui ne récompenserait que les plus tenaces et les plus talentueux (ou ceux qui parmi les artistes seraient doté d'un solide sens commercial). Cette présentation sert les intérêts de l'industrie en laissant croire que tous les intermédiaires constitueraient les experts nécessaires capables de discerner le bon grain de l'ivraie.
Même si le tableau que j'esquisse est encore loin de s'instaurer dans la réalité, il n'empêche : les alternatives au mode de diffusion traditionnel de la musique, ce marché du disque si lourd, si contraignant, si inique pour les artistes, existent : musique-libre.org en est un exemple.
digne des échos..
bon..
Je considère comme véridique que les nouvelles formes de circulation de la musique entraîne un manque à gagner pour l'industrie du disque en général. Ceci est indubitable. Je n'ai pas dit pour autant que les ventes de disques soient en relation avec le téléchargement de la musique sur le net. ça je n'en sais rien.
ce que j'avance, c'est que les nouveaux outils à disposition des musiciens, et notamment les licences libres, et la possibilité de diffuser sa musique sans passer par la réalisation d'un objet disque, et donc, sans s'intégrer aux circuits de distribution traditionnels (en abandonnant donc la perspective d'une mise en rayon chez un disquaire), sans oublier l'existence d'un véritable réseau de promotion pour cette musique ( par le biais de webzines, d'audioblogs etc.), tous ces outils donc, constituent effectivement une menace pour tous ceux qui vivent au crochet du circuit traditionnel de diffusion de la musique qu'on peut appeler pour aller vite : le marché du disque (je parle ici de ce marché qui trouve son aboutissement chez le disquaire).
ce manque à gagner occasionné par ces nouveaux outils n'affecte pas les artistes, ou bien seulement une minorité d'artistes : ceux qui vendent effectivement des disques - c'est-à-dire une infime partie des artistes.
Il risque par contre d'atteindre de plein fouet les personnes qui vivent de près ou de loin de l'existence d'un marché du disque. J'énnumère les secteurs touchés :
- les maisons de disque intégrée au marché, quelle que soit leur taille : non pas tant en ce que les ventes diminueraient, mais parce qu'à voir tous ces artistes se disséminer hors de leur controle, elles voient s'avancer une concurrence nouvelle. Quand le disque (fort cher à fabriquer et à distribuer) constituait le seul moyen de diffuser sa musique, les maisons de disques pouvaient être considérées comme indispensables à la diffusion des arts. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
- les intermédiaires qui accompagnent la musique de l'auteur au disquaire : agents, managers, distributeurs, etc..
- les disquaires eux-mêmes évidemment.
- les studios de production, les ingénieurs du son, tous les techniciens dont l'expertise étaient requise dans le cas d'un disque pressé. On n'a pas toujours besoin d'en faire tant pour réaliser sa musique : les musiciens commencent à prendre conscience du rôle excessif pris par les techniciens ces dernières décennies.
- les sociétés de gestion des droits, lesquelles voient de nombreuses musiques échapper à leur catalogue. Si la perception des droits d'auteur, abandonnées par les artistes sous licence libre, diminue, alors de nombreux agents de la sacem n'auront plus d'utilité.
- la presse musicale, qui peut être remplacée sans trop de dommage pour l'information par les nombreux webzines et audioblogs dont certains sont d'excellente facture.
- les organismes du type IRMA ou les institutions destinées aux artistes en voie de professionalisation, dont l'activité, centrée sur le développement de carrière - et l'inscription sur le marché du disque - risque fort de paraître désuette aux yeux des artistes qui ont choisi de fonctionner à l'aide des nouveaux outils dont j'ai parlé.
Et en général, tous ceux qui vivent de près ou de loin d'une activité liée au marché du disque et à la perception des droits voisins.
Il faut donc bien comprendre que la plupart des discours tenus par l'industrie du disque et toutes les personnes que je viens d'évoquer visent avant tout à défendre leurs propres intérêts : c'est-à-dire à conserver leurs acquis.
Quand tous ceux là agitent le spectre de la paupérisation des artistes, ils le font en vérité parce qu'ils savent bien que sans les artistes leur existence n'aurait pas lieu d'être. tant que les artistes pouvaient conjuguer leurs propres intérêts avec ceux-là, tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Il est évident aujourd'hui que l'artiste peut fort bien disséminer sa musique en se passant totalement des services apportés par tous ces "experts".
Que l'artiste se paupérise, c'est une contre-vérité : une immense majorité d'artistes sont déjà pauvres de toutes façons, et la disparition d'un marché du disque n'y changera rien.
Il est donc logique que l'industrie du disque cherche à s'inscrire à nouveau, à ttitre d'intermédiaire, au sein même des nouvelles voies de circulation de la musique. la création de sites de téléchargement payant est une tentative en ce sens. La collecte de droits (et surtout des droits voisins) à l'occasion des téléchargements, constituerait également une manne appréciable. La sacem et les sociétés de collecte des droits d'auteur aurait aussi intérêt à capter une partie des sommes en jeu, afin de compenser la diminution de la collecte dans le cadre traditionnel.
Notez au passage que la sacem et l'industrie du disque ont de ce point de vue un intérêt commun : puisqu'ils défendent dans les faits les mêmes auteurs, c'est-à-dire, ceux qui vendent le plus de disques. Les autres (c'est-à-dire l'immense majorité des artistes) n'ont aucun intérêt pour eux (ce sont comme le disait monsieur Petitgirard, président du directoire de la sacem, que des "musiciens du dimanche").
Evidemment j'ai conscience de l'allure provocactrice de ce texte (qui menace d'envoyer au chomage des dizaines de milliers de travailleurs lié au marché du disque). Je me le permets cependant à ce titre que m'horripile la manière dont l'industrie du disque tend à s'exprimer "au nom des artistes", privilège contre lequel il y a tout lieu de s'élever. Les artistes ont toujours été la vache à lait de l'industrie culturelle. Rares parmi eux sont ceux qui en ont vraiment tiré profit. Il faut cesser de présenter le monde de la musique comme une monde impitoyable qui ne récompenserait que les plus tenaces et les plus talentueux (ou ceux qui parmi les artistes seraient doté d'un solide sens commercial). Cette présentation sert les intérêts de l'industrie en laissant croire que tous les intermédiaires constitueraient les experts nécessaires capables de discerner le bon grain de l'ivraie.
Même si le tableau que j'esquisse est encore loin de s'instaurer dans la réalité, il n'empêche : les alternatives au mode de diffusion traditionnel de la musique, ce marché du disque si lourd, si contraignant, si inique pour les artistes, existent : musique-libre.org en est un exemple.
Réponses
Pour la suite (licenciements, etc.), il faudrait affiner et relier à la dimension économique, mais il me semble que cet aspect structurel n'est pas sans rapport.
+A+
J'anticipe énormément sur ce qui pourrait être l'avenir de la musique. En partant du constat suivant : les nouveaux modes de diffusion et de circulation de la musique se passent très bien de toute collusion avec les règles du marché du disque (le mode de diffusion que j'appele traditionnel - tradition qui s'instaure dans les années 60 à vrai dire, donc pas si ancienne). Ce monde là pourrait devenir tout à fait autonome, et par suite se passer justement du disquaire qui , qu'on le veuille ou non, représente au moins symboliquement le receptacle final et en quelque sorte "naturel" de la musique dans le système traditionnel. L'abandon du sytème traditionnel par de nombreux artistes est prévisible pour au moins une raison :
l'entrée sur le marché du disque est trop coûteux - pas seulement financièrement, mais aussi en terme d'investissement personnel - je considère qu'on ne peut s'introduire sur ce marché sans avoir comme le disait l'autre jour un formateur de l'IRMA devant des artistes : la hargne - ce que je traduis par : un sens aigu du commerce - le meilleure formation pour un artiste dans le système traditionnel, c'est HEC.
Que le marché ait lui-même engendré cette situation et contribue paradoxalement à l'émergence du "nouveau" système, j'en suis totalement d'accord : à preuve l'explosion du nombre de nos téléchargements au fur et à mesure que les déclarations de l'industrie du disque se multiplient (et les procès).
je ne nie pas que le travail de défrichage des disquaires, des magazines spécialisés, des institutionnels de la culture, des labels, ait été salutaire, et dieu sait combien j'ai pu par le passé m'adosser à leur expertise pour accompagner mes propres découvertes. N'empêche : le web d'aujourd'hui, c'est un monde où chacun est en mesure de devenir à son tour disquaire, journaliste, expert pour ainsi dire. je suis absolument sidéré par le nombre et la qualité des audioblogs, des webzines qui fleurissent partout dans le monde de paris à tokyo en passant par honk kong, et j'ai encore découvert des labels malaisiens, ukrainiens, qui sont tout à fait remarquables (et sous CC).
je veux dire : tout est en place pour que les artistes les moins fortunés ou les moins dotés de sens commercial, puissent disséminer leur musique convenablement. On peut envisager cela en adoptant une attitude neutre vis-à-vis du marché : point besoin d'un engagement politique pour se lancer dans le nouveau système.
le marché n'a aucune responsabilité en matière de diffusion culturelle : la seule exigence à laquelle il peut se soumettre objectivement, ce sont les critères de rentabilité et de profit : on peut le regretter, mais à mon avis, on aurait tort d'articuler le succès du nouveau système de circulation de la musique avec un refus conscient des règles du marché.
le nouveau système exerce un pouvoir d'attraction, non pas seulement pour des raisons politiques ou idéologiques, mais aussi, et surtout pour des raisons pragmatiques. je vais peut-être choquer en disant cela , mais les licences libres, par exemple, peuvent tout aussi bien séduire un socialiste qu'un libéral.
Tous les procès et les doutes faits aux licences libres s'articulent à l'argumentaire selon lequel l'artiste perdrait en les choisissant la majeure partie de ses revenus. Je m'occupe d'un label indie, et je connais des milliers d'artistes : je peux vous assurer qu'aucun ne perdra quoi que ce soit en faisant ce choix : ceux qui ont à perdre dans l'histoire, sont les artistes qui touchent effectivement des revenus du droit d'auteur et des royalties de leur maison de disque - une minorité. C'est là l'aspect pragmatique du nouveau contrat social auquel l'artiste est invité à souscrire en adoptant les licences libres : pourquoi restreindre l'accès à sa musique dans l'espoir qu'on soit signé un jour, distribué, placé sur les rayons des disquaires, quand tout porte à croire que ce jour ne viendra jamais. Et quand bien même ce jour viendrait, pourquoi en attendant se comporter comme si on était déjà intégré au circuit du disque. C'est la démonstration que j'ai faite à quelques artistes autoprods devant lesquels je suis intervenu le week end dernier : pourquoi restreindre l'accès à votre musique alors que vous n'avez rien à y gagner ? Quand vous serez signés, alors vous verrez bien si ça vaut la peine de vous inscrire à la sacem etc.
Le nouveau système exerce à mon avis un pouvoir d'attraction, certes parce que l'ancien système est devenu ce qu'il est devenu - c'est-à-dire de moins en moins accessible-, mais aussi par ses qualités propres. je connais des artistes qui, ayant été signés, ont attendu 5 ans avant que l'album sorte sur le marché : du coup, leur musique est demeurée tout à fait inconnue durant ces 5 années, l'artiste ayant été empéché par contrat de la divulguer avant la sortie du disque. Le jeu en valait-il la chandelle ? (non, pas dans le cas dont je vous parle : le disque s'est très peu vendu finalement, et la maison de disque, par ailleurs remarquable, a fermé ses portes peu après. Du coup cet artiste propose désormais toutes ses oeuvre online. Il a eu sa petite heure de gloire certes, le disque à la fnac pendant quelques mois. Mais n'a pas touché de revenus à cette occasion. Le jeu en valait-il la chandelle, au delà de la satisfaction narcissique qu'on est suceptible d'éprouver en voyant sa tronche à la fnac ? Autre histoire très récente : chez another, nous avions au début de notre activité sorti quelques disques pressés, en digipack, par exemple le disque de gina artworth - un des disques dont nous sommes les plus fiers. Pour des raisons diverses (notamment le split du groupe), le disque ne s'est pas vendu ou très peu. On l'a gardé dans des cartons pendant deux ans : ça me faisait mal de savoir que cette musique remarquable demeurait dans ma chambre, coincée dans des cartons. Mais aujourd'hui, il y internet, le nouveau système de circulation de la musique. Les auteurs de ce disque ont finalement décidé d'inscrire leurs oeuvres sous licence CC, charge à moi de les faire circuler : résultat, cette musique est désormais placée sur plusieurs sites webs (dont musique-libre) et en P2P, du coup, elle circule à nouveau, est téléchargée, échangée, et touche un public - ce qui vaut mieux que les murs de ma chambre.)
En fait, c'est d'Olivier Blondeau que j'ai entendu cela à Nantes il y a un mois. J'avoue m'être senti bien bête de ne pas y avoir pensé jusque là.
Effectivement, n'arrivant pas à expliquer une telle débilité de raisonnement (augmenter encore les prix des mp3, procès contre le piratage), je voyais dans leurs agissements seulement une volonté d'augmenter le rendement par produit (on vire ce qui ne vend pas 500 000 exemplaires, on licencie 20% des salariés, ...) et de s'assurer des rentes (taxes sur supports numériques), de faire adopter quelques lois protectrices (LEN, toujours la TascaTaxe, aménagement fiscaux pour "compenser"). Mais effectivement, si c'est déjà ça de pris (et c'est beaucoup) pour le conseil d'administration, s'ils font des pieds et des mains, c'est bien par peur de voir s'effriter son rôle, son pouvoir et son chiffre d'affaires.
Internet effectivement redéfinit les rôles, plutôt que les redistribuer. Mais il n'est pas la cause.
Le nombre de distributeurs indépendants a été divisé par 10 en 15 ans, de 1984 à 1999. Je vous renvoie si vous le souhaitez à un texte que j'ai écrit il y a quelques années sur le sujet : http://musique-libre.org/article.php?sid=2 .
Alors depuis quelques années, on a l'impression que ces distributeurs refleurissent, mais ce ne sont que quelques magasins spécialisés qui exploitent des secteurs de niches (Djing, reggae/dub, ...).
Je modérerais les attaques envers la FNAC, car il faut bien reconnaitre que les bornes interactives d'écoute (par code barre) parent aux critiques concernant la possibilité d'écoute. Et cette enseigne, contre laquelle j'ai beaucoup à dire (j'y ai bossé un an), représente 70% des ventes de labels indépendants en France. Evidemment je préfèrerais que ce soient les p'tits shops à l'ancienne où y a René qui te sort le disque de la mort qui tue de derrière les fagots et juste pour toi, mais c'est mieux que de n'avoir que l'hyper du coin qui n'a que Moby dans le rayon indépendant.
Donc internet redéfinit les rôles. Les grandes surfaces de la musique, hormis la FNAC très bien placée aussi sur le web, ce sont, on va pas tous les citer, Apple, Napster, Real, bientôt M$. Les autres, ce ne sont rien d'autre que des petits disquaires. Le changement n'est donc pas si surprennant que cela.
Pour les labels, voilà certainement le plus gros changement. Le label reprend ses rôles : Dénicher, produire, trouver les débouchés. Et internet facilite la première et dernière phase, l'informatique facilite l'autoproduction ou la production à moindre coût, donc la 2eme phase. Et enfin, ré-entendons "label" comme "label de qualité", il est là pour faciliter l'accès à la musique de qualité.
Le gros problème d'internet, c'est celui, largement amplifié, qui est apparu dans les années soixante avec la grande distribution (cocorico) : l'Hyperchoix.
Quand on arrive sur un site proposant 300 000 titres sans rien pour nous orienter, on est déboussolé.
Le label va défricher, les micro-labels ne se contenteront que de cela, aidés par le fait que l'autoproduction a évidemment été largement facilité avec l'informatique. Une sélection d'artiste à afficher et voilà une image de marque forgée à moindre coût. Pour l'artiste, si l'image correspond, il est beaucoup plus facile d'intégrer ledit label.
Maintenant, les emplois, c'est sûr, ça va changer pas mal de choses. Mais les Majors n'ont là encore pas attendu internet pour cela : par exemple, bon nombre d'ingé son n'ont plus de taff parce que "c'est bien cette musique de djeunz où y a plus qu'à remasteriser".
Mais combien de concepteurs multimedia, graphistes, webmasters et programmeurs travaillent sur des sites de musique ? Combien seront appelés à créer de la valeur ajoutée (animation, contenu interactif, films, ...), combien de salariés de solutions informatiques, serveurs de stream, organismes de paiements, de gestion des droits (beuark!) en vivront ? Finalement, une révolution pas tellement plus marquée que dans tout le secteur tertiaire.
Mais la question, évidemment est : combien d'artistes en vivront mieux ? Le micro-paiement, la mise à disposition des oeuvres en direct donnent un sacré coup de vieux aux fameuses closes du style "dès que t'auras vendu 300 000 exemplaires, tu ne nous devras plus rien et tu commenceras à toucher selon le barême ......".
En somme, ce que j'espère, c'est retrouver la multiplicité de petits acteurs de la musique, comme on pouvait le voir il y a 30 ans, et que ce secteur soit à nouveau dynamisé par des passionnés de musique.
Et ce que j'espère surtout, c'est un autre débat, c'est que l'on saura encore écouter de la musique dans quelques années. Parce qu'à force d'écouter des bribes de morceaux en attendant que le suivant ait fini de se charger sur eMule, ben ça ne facilite pas la symbiose avec le créateur. Les titres sans tags, les listes infinies dans son iTunes ou autre, les random play sur 5000 morceaux, voilà qui est certainement la plus grande évolution autour de la musique.
Il est où le bon temps du squatt devant le magasin de skeud 20 minutes avant l'ouverture pour chopper, au pif, le dernier The Cure. Elle est où la frénésie sur le chemin du retour avant d'écouter en boucle la nouvelle merveille ?
Les gamins, c'est plus fan de rien, où alors d'une playlist pendant 3 jours. Ca prend pas le temps de digérer, d'explorer, de comprendre. Ca ingère, ça digère, ça expulse.
oui. ça c'est une inquiétude que pas mal d'amis partagent avec toi. Je fais lien vers ton post d'ailleurs dans notre forum , ça devrait susciter quelques échos.
Oui, mais en même temps, est-ce que ce n'est pas ce que disaient déjà les amateurs de "grande musique" à propos des amateurs de rock ou de pop dans les années 50, 60, 70, etc. ? On a toujours, tous, une vision un peu schématique des champs qu'on connaît mal. Bien sûr, la techno est en partie une musique de grande consommation, destinée à un public jeune et souvent inculte. Mais elle détermine aussi un espace de critique qui n'est pas vu par ses détracteurs car il se déploie dans des lieux, et des dispositifs discursifs, qu'ils ne fréquentent pas : magasins pour DJ, forums de discussion, soulseek, etc. peut-être même que pour la musique ignoble, celle que nous détestons consensuellement (Lorrie, Star Ac, etc.), se produisent les mêmes phénomènes que nous refusons de voir. Toute la question est d'articuler le jugement moral et esthétique à des considérations plus sociologiques, pragmatiques, sur la manière dont les audieurs s'organisent - ou non - pour structurer leur jugement de goût, et sur le sens qu'ils donnent à leurs pratiques culturelles. Peut-on raisonner sur le goût ? Je n'en sais rien. Je sais simplement que je hais la variété et les merdes pré-digérées proposées par le marché, mais en y réflechissant bien, posément, je ne suis pas sûr de disposer d'un seul argument rationnel pour légitimer ma haine. Ie seul argument qui me paraît résister serait un argument d'ordre "écologique" : une pratique (privée, industrielle, légitimée ou ignoble, peu importe) qui aurait pour conséquence d'écraser, par sa présence, des pratiques émergentes ou minoritaires, serait moralement condamnable. C'est peut-être là qu'on peut se poser la question, tous ensemble, de savoir si, oui ou non, l'industrie du disque nous empêche d'exister.
Enfin, ça m'empêchera pas de vivre, hein !
+A+
la réponse est non.
l'industrie du disque ne m'a pas empéché de faire de la musique il y a 20 ans, il y a dix ans, et encore moins aujourd'hui.
Ce qui a changé c'est la facilité de la circulation de la musique (au moins dans les pays industrialisés et informatisés). C'est là juste ce que je voulais souligner : avant le developpement de ces technologies, les canaux de la circulation de la musique étaient quasiment réduits aux seuls canaux de distribution de l'objet enregistré sur un support et commercialisé. Encore avant, c'était la partition. Et encore avant (et encore aujourd'hui heureusement ! la tradition orale). La différence, c'est que je peux toucher des auditeurs au japon sans que cela me coûte une fortune.
En matière esthétique je m'instaure depuis peu une supension totale du jugement. C'est stupide, comme toute chose radicale, mais ce genre d'étape peut être salutaire.
(comme quand j'ai cessé de lire la presse musicale il y a quelques années). Du coup j'entends de petites choses que je n'aurais pas entendues auparavant.
Dans ce sens, oui. Mais le cadre idéologique et structurel définit par l'industrie du disque n'a-t-il pas d'importante répercussions sur nos possibilités d'expression ? Quand je vois, par exemple, la fermeture régulière des petits lieux de diffusion dans les villes, je ne peux pas m'empêcher d'y voir une atteinte à ma possibilité de faire des concerts : la mise en concurrence généralisée des DJ et des musiciens, souvent parfaitement acceptée par eux, d'ailleurs, même dans les milieux qui se disent alternatifs ou indés, me paraît être une conséquence directe de la marchandisation. La logique des grands nombres (avoir un gros public ou ne pas trouver de salle où jouer) est une réalité structurelle endémique. Les logiques de distinction par les gros labels également : démarcher un lieu de concert sans avoir le support d'un label avec pignon sur rue est loin d'être évident. La logique de professionalisation, prônée tant par les acteurs que par les institutions culturelles, conduit à la disqualification des pratiques amateurs, quelle que soit la qualité esthétique des productions : il serait absurde de croire qu'une bonne qualité artistique est forcément repérée comme telle et déboucherait sur des concerts réguliers.
A ce facteur important s'ajoute un facteur tout aussi discriminant : il faut donner des signes extérieurs de professionalité. On voit ça assez clairement, en ce moment, dans le secteur de la techno où les free parties, qui sont des lieux d'expression de la plus forte indépendance artistique (par rapport à la techno comme marché), relèvent généralement de l'amateurisme. S'oppose à cet amateurisme, auquel les institutions et le marché refusent une place, les DJ professionnels, qui officient dans les bars ou dans les grandes salles de spectacles, ainsi que dans les raves payantes, avec tout un cortège de starification, d'augmentation du prix des entrées, de vente de produits dérivés, de logique publicitaire, etc. Technopol vient d'être félicitée par le ministère au motif d'avoir réussi à se professionaliser, et fait aujourd'hui circuler un discours de promotion de la professionalisation (http://www.irma.asso.fr/article.php3?id_article=472). Ce faisant, l'asso obtient des financements et acquiert de la visibilité dans le débat public sur les musiques électroniques, place qui évacue les acteurs et arguments des amateurs (dont les arguments en faveur du copyleft). J'ai pu constater ce phénomène localement, ici à Lyon, avec la mise en place du Festival electro des Nuits sonores, vitrine de promotion de la politique culturelle de la mairie de Lyon, dont on ne dira jamais assez de mal (http://www.drone-zone.org/html/modules.php?name=Content&pa=showpage&pid=85) : là encore, l'enjeu est de favoriser la professionalisation, en évcauant les amateurs du dispositif.
Je ne sais pas où ça en est pour le rock, mais je pense que ça fait bien longtemps que cette idéologie de la professionalisation est à l'oeuvre et qu'elle détermine des stratégies discursives et économiques.
Le net nous aide-t-il particulièrement à contre cette logique ? je n'en ai pas l'impression : on diffuse plus librement en direction du public, mais par rapport aux labels ou aux salles, je n'ai pas constaté (mais c'est ma propre expérience), d'effet notoire. Même si j'ai pu obtenir des lives régulièrement en démarchant via ma page de téléchargement, il reste que l'accès à de nombreux lieux est très difficile, et je ne parle pas de lieux institutionnels ni même de grandes salles. L'augmentation de l'offre sur le net a sans doute des effets de "zapping" pour le public, mais il faudrait se poser également la question de ses effets sur les structures de diffusion, même si le problème des fermetures de salles est plus vaste et s'intègre dans des logiques de développement urbain, de réaménagement et de valorisation des centre-ville, etc.
+A+