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Notre Documentation
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le chercheur et le militant
Premier abord : on devine facilement quelle tension anime celui qui est à la fois chercheur et militant : pour agir, on doit forcément s’abstraire de considérations singulières : on perd en « objectivité », non pas au sens trivial d’une perte de neutralité, mais au sens où on est obligé d’opérer une sélection dans la pluralité des expériences, trancher dans la pluralité des possibles, etc. Agir, c’est toujours trancher, sortir d’une latence, d’une indécision.
Le chercheur, lui, devrait être à l’orée de son investigation « sans mémoire ni désir » pour reprendre les mots de Bion. Il devrait tendre à l’être.
Second abord plus subtil : c’est dans l’usage du savoir théorique que les pratiques diffèrent.
Le chercheur devrait produire des modèles en vue d’éclairer la complexité, voire ce qui pourrait être ressenti comme : « le chaos ». (Nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne lorsqu’il s’agit de tolérer ce chaos. Certains éprouvent devant ce sentiment de chaos une terreur tellement intense qu’ils préfèrent ne jamais s’autoriser cette expérience : ils mettent de l’ordre, revendiquent un ordre, parfois en dépit de la réalité ou de leurs propre expériences, déclamant des certitudes pour se défendre de l’émergence d’un désordre. )
Le militant s’empare de ces modèles, dans le meilleur des cas, afin d’agir : se faisant, il rigidifie et cristallise, ce qui n’était qu’hypothèse de travail, encore une pensée pensante, et, une fois doté de ces représentations stables (et devenue pensée pensée), il s’y arrime pour ne plus y songer et peut enfin agir (politiquement). L’action met un terme à la pensée et au doute. Et de la même manière qu'on peut être terrorisé par ses propres pensées, on peut, devant la nécessité d’agir, entrer dans des états d’hébétude et de paralysies physique et psychique.
Le paradoxe est que, pour agir, il faut faire fi d’une certaine complexité
Mais le chercheur a déjà à sa manière tranché dans le réel
Il a choisi des faits, des exemples, noté et observé tel ou tel phénomène, plutôt qu’un autre. Il y a déjà là un premier tri dans le réel (les choses perçues, les expériences).
Ce dont nous manquons je crois, c’est de descriptions plus fines
Nous avançons avec de lourds sabots, creusant des sillons épais, là où nous aurions besoin d’une grille avec un tamis plus fin
Parce que nous souhaitons aller vite, nous nous contentons d’adopter le cadre et la langue et les catégories qui nous viennent de l’Autre (par exemple, les catégories de nos ennemis)
Et du coup nous sommes soumis à sa logique, quand bien même nous essayons d’aller contre (et plus nous essayons d'aller contre, plus nous nous enferrons dans sa logique, et confirmons la pertinence de ses catégories).
Nous ne devrions nous laisser dicter les catégories, la manière dont nous ordonnons le réel (le chaos) par l'Autre, mais prendre le temps d'observer les expériences que nous faisons et en tirer par la contemplation investigante quelques modèles utiles, et qui soient nôtres, pour la compréhension et le futur.
Nous manquons également de complexité.
Une des faiblesses les plus tenaces parmi celles qui pèsent sur l’investigation, c’est de céder trop promptement à la tentation d’une représentation ordonnée des phénomènes
La raison de cette tendance à produire une théorie définitive avant même d’avoir pris le temps d’observer les choses, c’est ce sentiment d’insécurité et d’inconfort intellectuel que produit immanquablement la pluralité complexe. Confronté, au fur et à mesure de ses observations, au sentiment d’un chaos, d’une infinité de singularités, celui qui s'inquiète du désordre a tendance à se doter de catégories toutes faites ou vite faites, quitte à les emprunter à un autre. La qualité première d'un chercheur devrait être de tolérer le chaos plus longtemps que ne le tolère la plupart des gens. Évidemment, il y aura bien un moment où le chercheur devra trancher en choisissant un fait qui lui paraît remarquable, caractéristique, exemplaire. Il y a bien un moment où il devra se donner quelques modèles pour penser malgré tout. Mais ce moment-là n’est pas encore celui de la production d’une théorie générale. Il y a un usage transitoire des modèles, lesquels fonctionnent comme des projecteurs (exemple des idéaux-types wéberiens), et dans certaines disciplines (notamment en sciences humaines), nous devrions sans doute nous accommoder d’en demeurer à ce stade (pour ainsi dire « mythologique » comme dirait Wittgenstein)
Ici, nous sommes décidément bien éloignés de l’action, de la prise de position nécessaire à l’action. Nous faisons des choix certes. Nous considérons par exemple que tel fait mérite d’être relevé plutôt que tel autre. Ce n’est pas là cependant pur arbitraire. Si nous demeurons suffisamment disponible à la diversité des choses, l’intuition par laquelle nous choisissons tel ou tel fait gagne en pertinence. C’est en forgeant qu’on devient forgeron.
De telles considérations méthodologiques risquent fort d’agacer le militant, qui lorsqu’il s’engage dans l’action, a besoin avant tout d’une conviction forte, et on doit ajouter : il persuadera d’autant mieux les destinataires de son message qu’il paraît lui-même convaincu. La croix du militant, c’est le doute. Quand l’éthique du chercheur le conduit à préserver, même lors de la publication des résultats de ses investigations, une sorte d’attention flottante – une disponibilité pour les phénomènes à venir, au risque qu’un de ces phénomènes vienne bouleverser les constructions théoriques laborieusement édifiées sur le chaos, l’éthique du militant l’oblige à se contenter d’un vade mecum praticable dans la cité, parce qu’il lui faut agir dans des conditions précaires et urgentes, parce que le devenir entraîne ses actes dans un flux incessant de conséquences imprévisibles. C’est pourquoi les hypothèses théoriques du chercheur tendent à être utilisées par le militant comme des idéologies. L’idéologie, c’est la théorie dont la possibilité du doute a été abstraite. (ce que les pères de l’église appelle précisément un dogme).
L’un tente de mettre de l’ordre dans ses pensées, l’autre de transformer le réel. Au premier, il est demandé d’éviter autant que possible, s’il veut être un chercheur honnête et crédible, de ne pas forcer les choses, l’autre est en devoir de les forcer, de les transformer.
La collaboration entre le chercheur et le militant reconduit donc la tension, non pas tant entre la neutralité et l’engagement, mais entre la contemplation (theoria) et l’action (pragma). Une collaboration satisfaisante pour les deux parties (qui peuvent être les deux parties d’un seul homme) pourrait se traduire de la sorte : le chercheur fournit au militant des modèles, qui sont autant d’outils, à partir desquels le militant produit une représentation suffisamment simplifiée de ses propres pensées (ou, si l’on veut, de la réalité), et se donne un cadre pour agir de manière pertinente et cohérente.
Évidemment, cette collaboration satisfaisante ainsi décrite n’est elle-même qu’un modèle à partir duquel, éventuellement, on pourrait réfléchir (par exemple aux conflits qui émergent parfois sur ce forum).
Le chercheur, lui, devrait être à l’orée de son investigation « sans mémoire ni désir » pour reprendre les mots de Bion. Il devrait tendre à l’être.
Second abord plus subtil : c’est dans l’usage du savoir théorique que les pratiques diffèrent.
Le chercheur devrait produire des modèles en vue d’éclairer la complexité, voire ce qui pourrait être ressenti comme : « le chaos ». (Nous ne sommes pas tous logés à la même enseigne lorsqu’il s’agit de tolérer ce chaos. Certains éprouvent devant ce sentiment de chaos une terreur tellement intense qu’ils préfèrent ne jamais s’autoriser cette expérience : ils mettent de l’ordre, revendiquent un ordre, parfois en dépit de la réalité ou de leurs propre expériences, déclamant des certitudes pour se défendre de l’émergence d’un désordre. )
Le militant s’empare de ces modèles, dans le meilleur des cas, afin d’agir : se faisant, il rigidifie et cristallise, ce qui n’était qu’hypothèse de travail, encore une pensée pensante, et, une fois doté de ces représentations stables (et devenue pensée pensée), il s’y arrime pour ne plus y songer et peut enfin agir (politiquement). L’action met un terme à la pensée et au doute. Et de la même manière qu'on peut être terrorisé par ses propres pensées, on peut, devant la nécessité d’agir, entrer dans des états d’hébétude et de paralysies physique et psychique.
Le paradoxe est que, pour agir, il faut faire fi d’une certaine complexité
Mais le chercheur a déjà à sa manière tranché dans le réel
Il a choisi des faits, des exemples, noté et observé tel ou tel phénomène, plutôt qu’un autre. Il y a déjà là un premier tri dans le réel (les choses perçues, les expériences).
Ce dont nous manquons je crois, c’est de descriptions plus fines
Nous avançons avec de lourds sabots, creusant des sillons épais, là où nous aurions besoin d’une grille avec un tamis plus fin
Parce que nous souhaitons aller vite, nous nous contentons d’adopter le cadre et la langue et les catégories qui nous viennent de l’Autre (par exemple, les catégories de nos ennemis)
Et du coup nous sommes soumis à sa logique, quand bien même nous essayons d’aller contre (et plus nous essayons d'aller contre, plus nous nous enferrons dans sa logique, et confirmons la pertinence de ses catégories).
Nous ne devrions nous laisser dicter les catégories, la manière dont nous ordonnons le réel (le chaos) par l'Autre, mais prendre le temps d'observer les expériences que nous faisons et en tirer par la contemplation investigante quelques modèles utiles, et qui soient nôtres, pour la compréhension et le futur.
Nous manquons également de complexité.
Une des faiblesses les plus tenaces parmi celles qui pèsent sur l’investigation, c’est de céder trop promptement à la tentation d’une représentation ordonnée des phénomènes
La raison de cette tendance à produire une théorie définitive avant même d’avoir pris le temps d’observer les choses, c’est ce sentiment d’insécurité et d’inconfort intellectuel que produit immanquablement la pluralité complexe. Confronté, au fur et à mesure de ses observations, au sentiment d’un chaos, d’une infinité de singularités, celui qui s'inquiète du désordre a tendance à se doter de catégories toutes faites ou vite faites, quitte à les emprunter à un autre. La qualité première d'un chercheur devrait être de tolérer le chaos plus longtemps que ne le tolère la plupart des gens. Évidemment, il y aura bien un moment où le chercheur devra trancher en choisissant un fait qui lui paraît remarquable, caractéristique, exemplaire. Il y a bien un moment où il devra se donner quelques modèles pour penser malgré tout. Mais ce moment-là n’est pas encore celui de la production d’une théorie générale. Il y a un usage transitoire des modèles, lesquels fonctionnent comme des projecteurs (exemple des idéaux-types wéberiens), et dans certaines disciplines (notamment en sciences humaines), nous devrions sans doute nous accommoder d’en demeurer à ce stade (pour ainsi dire « mythologique » comme dirait Wittgenstein)
Ici, nous sommes décidément bien éloignés de l’action, de la prise de position nécessaire à l’action. Nous faisons des choix certes. Nous considérons par exemple que tel fait mérite d’être relevé plutôt que tel autre. Ce n’est pas là cependant pur arbitraire. Si nous demeurons suffisamment disponible à la diversité des choses, l’intuition par laquelle nous choisissons tel ou tel fait gagne en pertinence. C’est en forgeant qu’on devient forgeron.
De telles considérations méthodologiques risquent fort d’agacer le militant, qui lorsqu’il s’engage dans l’action, a besoin avant tout d’une conviction forte, et on doit ajouter : il persuadera d’autant mieux les destinataires de son message qu’il paraît lui-même convaincu. La croix du militant, c’est le doute. Quand l’éthique du chercheur le conduit à préserver, même lors de la publication des résultats de ses investigations, une sorte d’attention flottante – une disponibilité pour les phénomènes à venir, au risque qu’un de ces phénomènes vienne bouleverser les constructions théoriques laborieusement édifiées sur le chaos, l’éthique du militant l’oblige à se contenter d’un vade mecum praticable dans la cité, parce qu’il lui faut agir dans des conditions précaires et urgentes, parce que le devenir entraîne ses actes dans un flux incessant de conséquences imprévisibles. C’est pourquoi les hypothèses théoriques du chercheur tendent à être utilisées par le militant comme des idéologies. L’idéologie, c’est la théorie dont la possibilité du doute a été abstraite. (ce que les pères de l’église appelle précisément un dogme).
L’un tente de mettre de l’ordre dans ses pensées, l’autre de transformer le réel. Au premier, il est demandé d’éviter autant que possible, s’il veut être un chercheur honnête et crédible, de ne pas forcer les choses, l’autre est en devoir de les forcer, de les transformer.
La collaboration entre le chercheur et le militant reconduit donc la tension, non pas tant entre la neutralité et l’engagement, mais entre la contemplation (theoria) et l’action (pragma). Une collaboration satisfaisante pour les deux parties (qui peuvent être les deux parties d’un seul homme) pourrait se traduire de la sorte : le chercheur fournit au militant des modèles, qui sont autant d’outils, à partir desquels le militant produit une représentation suffisamment simplifiée de ses propres pensées (ou, si l’on veut, de la réalité), et se donne un cadre pour agir de manière pertinente et cohérente.
Évidemment, cette collaboration satisfaisante ainsi décrite n’est elle-même qu’un modèle à partir duquel, éventuellement, on pourrait réfléchir (par exemple aux conflits qui émergent parfois sur ce forum).
Réponses
et aussi pour répondre au genre de post du style :
moi j'agis !! (sous entendu, celui qui "se contente de" se creuser les méninges est un abruti
très en vogue actuellement)
Pour moi il n'y a pas d'opposition entre le chercheur et le militant (technicien). Outre la connaissance, l'intérêt de la recherche est également son application.
Quand tu crées un morceau de musique, il y a la phase de création et celle de la production. Il n'est pas interdit de douter pendant la deuxième phase, mais à un moment tu t'arrêtes, tu as fait tes choix,... même si tu sais que tu pourrais continuer à l'infini de créer.
Notre monde s'est bâti à force d'observation, d'expérimentation, de recherche et d'applications. Il y a eu des techniciens (militants) abrutis qui ont utilisés (dévoyés) des théories qu'ils n'ont pas compris ou pas voulu comprendre, souvent avec un but politique.
ce que tu dis n'as strictement rien à voir avec le texte que je propose
excuse d'être rude là mon ami, mais sinon ça n'a plus de sen s ce truc,
que tu n'as pas lu manifestement , ce qui n'est pas génant , sauf que ta réponse risque de donner un cours totalement délirant aux éventuels messages qui suivront, et là ça m'ennuie
parce qu'il n'y a aucune polémique dans mon machin là
donc chers amis si possible, répondez au message de mankind ailleurs que sur ce thread merci, et si vous souhaitez répondre au mien qui je le répète n'a rien à voir, précisez le sinon on va se perdre
D'une lecture rapide, j'avais bien vu le rapprochement mais je vais relire tout ça tranquillement. C'est le genre de texte qui est difficile à lire sur un site iinternet, une revue en vrai papier d'arbre reste un support privilégié pour ça.
Comme d'hab tu fais dans le post à rallonge. Et comme toujours, c'est bigrement intéressant.
Toutefois, je crois que cette fois-ci tu as triché. Des paragraphes se répètent.
A moins que ce ne soit un effet de style, une relecture et un coup de sabre s'impose.
je l'ai relu dans openoffice mais pas sur le forum
arff
La critique que je ferai sera sans doute du même ordre que celle que j'ai pu faire de la dichotomie éthiquant / utilitariste.
Ici, nous ne pourrions considérer la distance entre le chercheur et le militant (qu'il s'agisse d'une même personne ou de personnes distinctes) comme pertinente car nous traitons d'un sujet en devenir.
- la moindre action du militant modifie les considérations du chercheur (militer, c'est agir mais il y a militance et militance : quand l'une s'efforce de nier la "recherche" pour ne fonctionner que sur les idéologies, l'autre pourra, à l'inverse, être en quête de celle-ci...)
- les considérations partielles (en devenir) du chercheur 'en cours de recherche' modifie (ou non) les considérations du militant (qu'il nie les 'réponses' ou soit en quête de celles-ci).
La relation fluctuante de l'un à l'autre (la négation ou l'indifférence à l'autre étant des formes de relation), et réciproquement, pouvant être autant de situations de conflits, blocages, malentendus, luttes de pouvoir, ou délivrances, entraides, soutiens, coopérations etc...
Et une telle mise en place d'un cercle vicieux ou d'un cercle vertueux fait évoluer le cours de l'histoire : l'un et l'autre ne sont donc pas dans deux bateaux (ou deux parties d'un même bateau) perdus dans un océan de complexité, mais ils sont le bateau, ils sont la complexité en devenir.
Nous tenons pour essentiel de considérer que le militant qui se contenterait d'une "représentation simplifiée" dont la version complexe serait détenue par le chercheur est dans le faux. La tâche du militant est au contraire d'intégrer la complexité des modèles théoriques en cours par les différents chercheurs... même s'il s'agit de la même personne (militant et chercheur) car les modalités d'appréhension et de mise en pratique (pratique du théoricien, pratique du militant) ne sont pas, dans cette mise en regard, les mêmes --- il s'agit en somme d'une méta-dichotomie :
Le chercheur défriche le terrain, en commençant par distinguer ce qui est connu, ce qui est semblable, ce qui est différent, ce qui est profond de ce qui est superficiel, des vérités des miroirs aux alouettes, il porte également des vues sur ce qui est encore inconnu mais sera connu, tout en se gardant de chercher à connaître ce qui est inconnaissable.
Si le propos du chercheur est d'établir une cartographie précise et utile de ce terrain, quelque soit sa simplicité ou sa complexité, celui du militant devrait être de parfaitement connaître cette carte, et de savoir s'en servir.
Le militant borné immobilisé dans son idéologie considèrera que les autoroutes (représentation simplifiée) sont le monde (et il n'y a donc pas d'autres routes possibles, ni de sorties hors piste)...
Un autre militant, plus ouvert, considèrerait sans doute la possibilité des autres routes, seulement il suffirait qu'il soit obligé de quitter son autoroute idéologique si rassurante (pour x raisons, parfois l'espace d'un instant ou pour de longues périodes) pour qu'il soit 'perdu', avec tout ce qu'on peut imaginer de risque quand il s'agit d'agir en terrain inconnu : "improviser" bon-an mal-an dans le maquis de l'inconnu, sur telle petite route de campagne, sur tel chemin de traverse, dans tel sous-bois... sur telle face nord escarpée prise par la glace...
la tâche du militant est donc énorme.
Je le répète, il est essentiel qu'il connaisse parfaitement la carte (et donc qu'il soit, lui aussi, défricheur).
C'est évidemment une connaissance qui ne se traduit pas en mots ou en phrases, elle ne se traduit même pas en pensée. Le militant développe une intuition du terrain. Celle qui fait qu'un montagnard saura intuitivement ce qu'il doit faire quand la nuit commence à tomber et qu'il marche seul sur le glacier.
Le militant qui se perd et s'écrase au fond d'une crevasse est un militant euh... mort ?
C'est la différence entre le montagnard qui connaît la montagne et celui qui s'est contenté de lire un guide (représentation simplifiée).
A cet égard (le militant sur le glacier), l'action, au contraire, entretient et soumet constamment la pensée et le doute à l'aune de la réalité. Le soldat même, qui n'a pas de prétention militante, doit penser ses actes et ne pas obéir aveuglément aux ordres de son supérieur. Le militant qui mettrait un "terme à la pensée et au doute" ne serait plus un militant car il ne serait plus un être pensant agissant, mais un simple mouton, pour qui l'action serait de l'action (le militant qui milite pour militer, comme le soldat qui s'engage parce qu'il a besoin d'un supérieur, ne sont pas de vrais militants ni de vrais soldats).
A fortiori s'il s'agit des deux facettes d'une même personne pensante et agissante : sa part militante doit, à tout moment, pouvoir s'arrêter pour se demander s'il est toujours sur la bonne voie définie par le modèle fourni par le chercheur qu'il est aussi. il se doit ainsi d'assurer chacun de ses pas. Car il n'a pas droit à l'erreur.
Le militant agit donc dans une complexité dont il ne peut se défaire.
C'est le même modèle que l'expert en arts martiaux parfaitement à l'aise dans la complexité. Car il a développé une intuition et une pratique, où certes la pensée s'est tue (silence intérieur), mais où les actes sont ses pensées même...
Le chercheur, lui aussi, doit développer une intuition. Celui qui élabore des édifices énormes, boursouflés et inutilisables est un mauvais chercheur. Sa recherche peut légitimement le conduire à des boursouflures indigestes, mais si le chercheur est un sculpteur, ces boursouflures seront les monceaux de copeaux de bois émondés de sa pièce de bois de laquelle en ressortira une 'oeuvre' efficace et utile (et non une représentation simplifiée) : soit une carte précise, légendée, détaillée etc.
C'est à cet égard que le chercheur est contraint lui-même d'être un homme d'action : il doit faire le choix de mots et de concepts actifs, qui interrogent, provoquent le questionnement, remettent en cause des modèles anciens ou établis.
Sur cette dichotomie primaire s'ajoute un niveau de complexité supplémentaire : le chercheur et le militant SONT aussi la carte.
La carte est une représentation d'un territoire dont l'évolution est rapide, le chercheur et le militant faisant partie intégrante de cette même géographie...
Le travail essentiel du chercheur et du militant étant d'être attentif aux évolutions et à leur influence.
La complexité n'est pas le chaos, la simplicité n'est pas l'ordre.
Aligner des cases identiques de manière parfaitement ordonnée, c'est mettre en ordre dira-t-on, en toute objectivité. Alors qu'en réalité c'est du chaos qu'on a mis en place. En effet, si les cases sont identiques et parfaitement ordonnées, l'homme est incapable de reconnaître et de distinguer les cases entre elles et de s'y repérer et définir une représentation.
Ce qui fait le propre de l'ordre et du chaos n'est pas la considération objective : ce qui est en ordre est ce qui est dans la mesure de l'homme.
C'est sur ce genre de considérations que je développe la méthodologie de création After Infinity, ou la méthodologie de production etc. Il convient de partager une même vision et s'entraider par le regard.
Ce sont de changements à la Watzlawick dont nous avons besoin.
Une réflexion poussée sur des nouveaux concepts (l'écologie de la dissémination par exemple) peuvent nous aider à y parvenir afin d'avoir une vue globale des choses.
Notre ennemi n'est pas tant l'Autre, car il est d'abord notre semblable (une altérité fondamentale nous échapperait totalement). S'il est notre miroir, nous sommes aussi le sien et c'est ce qui, dans le même, est altéré qui nous dérange, qui le dérange. Nous avons aussi face à nous une pensée incapable de se sortir de sa névrose.
Développons des catégories (faisceaux directeurs de référence) qui entretiennent l'intuition (amer de l'action dont l'efficacité permet de faire du free style tout en respectant toujours les spécificités de la conception du monde promue).
J'ajouterai quand même, sans polémique aucune, que le chercheur peut être aussi persuadé sque le militant. D'autres démontreront par la suite qu'il avait tord.
je devais avoir moi aussi la tête en vrac quand je l'ai posté (ou j'ai trop fait confiance à openoffice)
sinon
c'est précisément pour cela que j'essaie de décrire ce que devrait être à mon sens une éthique de la recherche - évidemment il y a un moment pour persuader ou convaincre (ce qui n'est opas tout à fait la même chose), mais ce moment là devrait venir le plus tard possible
tout ce que je raconte a d'ailleurs fait l'objet de mult dissertations, je m'en rend compte après coup, notamment l'inusable "Le savant et le politique" de M. Weber (et je me réjouis d'en donner un lien web ici :
http://classiques.uqac.ca/classiques/Weber/savant_politique/Le_savant.html
je répondrais aux autres posts bientôt dès que j'aurais le temps
C'est une bonne lecture Weber pour ce débat.
Bon par contre, je renverserai l'état des choses. Je pense que le chercheur est de toutes façons militant (conscient ou inconscient) parce que son sujet de réflexion, de recherche est forcément défini. La différence, à mon sens c'est qu'il reste ouvert à d'autres sujets d'études par sa formation intellectuelle et sa nécessité de devoir poser les bases de réflexion de schémas, de cadres ou d'hypothèses.
La militance, c'est à mon sens plutôt le terme à définir ou à redéfinir. Il change constamment de sens et ses bornes sont soumises aux perceptions que l'on peut avoir de la nécessité d'un combat politique (les termes "terrorisme", "pirate" en sont les exemples parfait, je n'ai jamais vu un logiciel emule détourner des bateaux au large de la Somalie.. ).
je suis totalement ébahi de retrouver dans ta réponse une de mes métaphores favorites, ou plutôt un de mes modèles de pensée favoris :
l'expédition en haute montagne
il se trouve que je l'utilise longuement dans un texte portant sur un tout autre sujet (quoique) - autrement dit au sujet de la technique psychanalytique (texte à sortir dans quelques années quand je serais un poil plus expérimenté
je suis tout à fait d'accord avec ça
quand j'écris brutalement que l'action met un terme à la pensée et au doute, j'aurais du préciser que c'était le cas dans le moment même de l'action. C'est une idée qui me vient de mes années de fac, et notamment des manifestations anti-devaquet dans les années 86-87 je crois (?). Les étudiants révoltés avaient débarqué en classe de philosophie, indignés que les derniers à faire cours, c'était les philosophes. Ils nous bassinaient avec L'age d'or de Vincennes où les philo étaient en première ligne etc. peut-être effectivement je fais partie d'une génération qui, parce qu'ils étaient en philo, avaient appris des errances de leurs aînés et considéraient l'engagement avec pas mal de réticience. Du coup, on s'était fait viré par les étudiants révoltés des salles de cours, mais on continuait à faire cours avec le prof de philo général dans les escaliers.. ET on se faisait traiter de tous les noms.
Et puis, au bout d'un moment tout de même, on est allé manifester dans les rues.. Et là c'était l'horreur pour moi, cette foule hurlant des slogans simplistes etc, les sujets individuels noyés dans une espèce de masse informe.. (tu imagines à l'époque où je ne jurais que par Nietzsche ! c'était un pur cauchemar.. Alors pour déconner avec un pote, on hurlait : "Le RPR avec nous" "Devaquet poil au nez" des trucs comme ça, t'avaient les étudiants de la manif qui nous regardaient bizarrement.. bon après ils ont fini pâr buté malik oussekine, et là on ne pouvait plus trop rigoler..) je parlais de chaos et d'ordre comme de sentiments, de perceptions, ou d'états psychiques (et je crois que ce que nous appelons chaos en tous cas, et ordre tout autant, ont plutôt affaire avec des sentiments de sécurité et d'insécurité, ça c'est le psychanalyste bionien qui revient)
après il est évident que je me situe plutôt du côté des relativites modérés ou des héraclitéens (le devenir).
sinon justement.. ce que j'essaie de dire, c'est qu'on n'a pas peut-être pas seulement besoin d'une vision globale (parce que ça je trouve qu'il y en a tellement des visions globales) que de petites perceptions et de modèles provisoires (c'est en fait ce que j'essaie de promouvoir dans le texte)
sinon je serais curieux de savoir dans quel sens tu utilises le concept d'écologie
Rejeter quelque chose, c'est déjà l'accepter, au moins suffisement pour pouvoir dire contre quoi on lutte.
Mais qu'il s'agisse de réaction de rejet ou d'interpretation plus favorable, finalement, donner du sens à du chaos, c'est expérimenter ce chaos et donc, qu'on le veuille ou non, affiner sa recherche.
Le militant est donc, à sa manière, un chercheur.
La différence avec le chercheur se situe (à mon avis) dans la démarche.
Le militant cherche à convaincre
Le chercheur propose une interprétation
Mais les deux réagissent. à leur manière.
Alors bien sûr, selon la manière, on évolue et fait évoluer son interpétation du chaos différement. Et l'image du réseau routier est bonne, je trouve.
C'est l'absence total de réaction (qu'elle soit "juste" intellectuelle, ou plus marquée) qui termine l'exploration.
c'est ce que je voulais dire dj3c1t
dans mon esprit, il n'y a rien de péjoratif dans l'idée que le militant ait besoin de certitudes pour agir
d'abord, parce que je suis militant, et je l'ai été dans bien des domaines, et je continue de l'être, donc je vais pas me taper moi-même sur la gueule en me traitant d'abruti
il y a un moment, il "faut" agir, prendre parti, enfin je ne sais pas s'il "faut", mais certains en éprouvent le désir voilà (et je ne juge pas négativement ceux qui n'en éprouvent pas le désir.. on peut avoir d'autres soucis que de transformer le monde, il y a déjà bien assez de gens qui voudraient transformer le monde
et donc à ce moment pouvoir s'appuyer sur deux trois idées fiables, une représentation du monde du monde à peu près stable (quitte à foutre le merdier d'ailleurs - mais voyez, même et surtout les terroristes agissent en vertu d'une représentation du monde non seulement stable , mais généralement rigidifiée et cristallisée, ou plus rien n'est à penser, qu'aucune expérience nouvelle ne saurait ébranler..
peut-être avez-vous vu écouté l'autre jour sur france cul un témoignage hallucinant dans sur les docks d'afghans engagés (de force la plupart du temps) dans les mouvements et casernes jihadistes talibanes.. ce qui frappe, c'est justement la manière dont els dirigeants du truc tentent de noyer dans l'oeuf tous les doutes et les angoisses des soldats.. c'est impressionant.. pour s'envoyer en l'air en criant jihad une bombe autour de la ceinture, faut quand même qu'on vous ait sacrément bousillé la capacité de penser.. qu'on se rassure, rien de tel n'est nécessaire pour aller distribuer des tracts en faveur du logiciel libre dans les couloirs de l'assemblée nationale
mais quand même.. faut y croire un minimum
la zone transitoire entre le chercheur et le militant se situerait alors dans... le degrès de liberté avec lequel on compose quand on agit ou quand on pense.
Le musicien qui fait une impro oscille entre l'inconnu et sa représentation des rythmes et des harmonies.
à propos du logiciel libre: t'es sûr ?