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Houellebecq sous licence Creative Commons ?

Je viens de tomber sur un intéressant article sur la viralité de la licence CC by-sa, basée sur le copyleft :
http://fgallaire.flext.net/houellebecq-creative-commons/

Dans son dernier ouvrage, Houllebecq à utilisé des extraits d'articles issus de wikipedia :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Frédéric_Nihous
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mouche_domestique
http://fr.wikipedia.org/wiki/Beauvais

Or, ces articles sont déposés sous une licence CC by-sa. Cette licence n'est pas citée par l'auteur, son éditeur, et pire : l'ouvrage n'est pas déposé sous la même licence, qui est virale.

Le blog de Florent Gallaire, d'où je tire ces infos, détaille les violations du droit d'auteur que ce livre implique, c'est tout à fait instructif, d'où l'envie de le partager avec vous :-)

Réponses

  • Ah ? La possibilité d'un litige ? :wink:
  • est-ce que j'en déduis que je peux le plus légalement du monde mettre un lien vers le dernier ouèl-beck sur dogmazic sans être inquiété ?

    ou bien est-ce qu'il est préférable que quelqu'un d'autre vérifie avant le bien fondé de ces allégations juridiques ??
  • bon
    deux remarques (correction : en fait 5)
    1. vous oubliez le droit de citation :
    voir article 122.5 du CPI
    bien sûr Houllebecq ne cite pas ses sources
    bon c'est un roman, pas un article de sciences humaines.. on s'en fout en somme, et puis ce n'est pas de vraies citations juste des bouts de phrases prises ici et là, du collage donc, de la réécriture (en plus, le texte de wikipedia n'est pas considéré comme une oeuvre d'art, à raison, c'est rédigé de manière intelligible c'est tout)
    2. ces cries d'orfraie autour des "citations" et "emprunts" de houellebecq montrent surtout une ignorance crasse en matière de littérature et de procédés styllistiques disons "modernes"
    Si on commence à emmerder les auteurs parce qu'ils font des emprunts, va falloir faire des procès à des centaines d'auteurs qui utilisent ce procédé (ouvrez par exemple, mais parmi mille autres exemples : De Lillo, Dos Passos, Lowry, Uwe Johnson, enfin y en a tellement.. )
    3. je vois pas ce que les licences libres ont à foutre là dedans : vous croyez vraiment que l'emprunt remixé en plus de trois phrases ou plutôt de quelques mots dans wikipedia suffit à faire changer le statut d'un roman de Houellebecq ?? C'est n'importe nawak : dans ce cas j'abandonne aussitôt les licences libres. Dans ce cas on en arriverait à la situation absurde selon laquelle les LLD seraient plus "empêchantes", plus restrictives, que le droit d'auteur classique.. C'est débile, et même si juridiquement ça a du sens, c'est débile quand même.

    4. les notices de wikipedia et la littérature sont vraiment deux mondes à part styllistiquement :) (je suis bien placé pour le savoir, j'ai écrit deux trois choses dans wikipedia et j'écris aussi de la littérature et des essais théoriques : trois démarches et rapports à l'écriture qui n'ont rien à voir)

    5. Pour en revenir enfin au problème des licences libres pour les oeuvres littéraires. J'ai promis que j'allais me pencher sur le sujet un de ces jours. Mais je crois qu'on a une réelle limite au niveau des clauses de libre modification et de remixes. Le droit de citation, parodie etc. me paraît largement suffisant (excepté pour des projets spéciaux et collectifs, mais qui sont très très rares parce qu'en général dénués de tout intérêt)
    De fait j'ai bien l'intention de publier un de ces jours, mais je ne choisirai certainement pas de clause autorisant les remixes et dérivations : quandvous prenez un soin particulier à la forme par exemple, il est insupportable d'imaginer qu'on puisse changer un iota aux mots et aux tournures que vous avez choisies. C'est une question qui je pense devrait se poser (dans la mesure où personne ne la pose). je parle bien ici d'oeuvre littéraire, pas de manuel pour apprendre le php ou de notice d'utilisation de téléphone portable.
  • une très intéressante analyse de calimaq sur son blog, http://scinfolex.wordpress.com/2010/09/24/houellebecq-extension-du-domaine-de-leffet-viral/

    pose la question ainsi : est-ce oeuvre dérivée (auquel cas, effet viral, ou oeuvre collective (auquel cas pas effet viral)
    voilà ce que le code juridique des licences CC entend par oeuvre collective :
    une oeuvre dans laquelle l’oeuvre, dans sa forme intégrale et non modifiée, est assemblée en un ensemble collectif avec d’autres contributions qui constituent en elles-mêmes des oeuvres séparées et indépendantes. Constituent notamment des Oeuvres dites Collectives les publications périodiques, les anthologies ou les encyclopédies. Aux termes de la présente autorisation, une oeuvre qui constitue une Oeuvre dite Collective ne sera pas considérée comme une Oeuvre dite Dérivée.
    et calimaq précise bien que ce n'est pas le même sens que celui du CPI (faisons simple quand on peut faire compliqué, grand principe du droit comme on sait), qui définit l'oeuvre collective en son article L113-2 :
    « l'œuvre créée sur l'initiative d'une personne physique ou morale qui l'édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l'ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ».

    une phrase vers la conclusion de l'article de calimaq :
    Dans ces conditions, est-on véritablement en présence d’une oeuvre dérivée réalisée à partir des articles de Wikipédia ? L’apport de Houellebecq est-il suffisamment original pour recevoir ce qualificatif ? Ne s’agit-il pas plutôt d’une oeuvre collective (au sens de Creative Commons), qui procède plutôt par « collage » d’oeuvres pré-existantes ?

    tout son article est passionnant, et permet de bien se préciser tout ça.
  • humm... donc dans la viralité vue par cc, finalement, on retrouve un peu la notion de copie servile de la LAL :
    http://artlibre.org/licence/faq#FAQ_281
  • ça me sidère que nos fameuses licences fournissent l'occasion de telles arguties concernant une oeuvre littéraire. C'est tout simplement débile.
    Vous savez ce dans quoi on tombe et ce que je redoutais depuis plusieurs années ? dans la juridicisation généralisée : que les tenants des licences libres non seulement alimentent mais se donnent de l'importance en agissant dans ce sens, ça me fait horreur.
    C'est complètement débile. Si on va dans ce sens, on est foutu. Les juristes finiront par devenir les seuls experts légitimes du libre. En fait c'est déjà le cas.

    Bon après, l'article de SILEX est plutôt drôle (heureusement) dans la forme on va dire, mais sur le fond, il me fait pas rire du tout.
  • anéfé, la judiciarisation généralisée, galopante, dans tous domaines, n'épargne ni la culture ni le libre.
    en fait les juristes finiront par devenir les seuls experts légitimes de la vie...
    heureusement que duralex sert aussi à s'envoyer des canons derrière la cravate...
  • ceux que ça intéresse le mot juridicisation
    http://outsiderland.com/dissemination/?p=138
    et surtout cet excellent article :
    http://www.cairn.info/revue-politix-2009-2-p-73.htm
  • ah oui de fait, l'un m'est venu sous la plume, quand c'est bien l'autre, juridicisation, qui correspond mieux : le phénomène est d'ailleurs plus pernicieux et destructeur, puisque ce sont toutes les relations ordinaires, les éléments normaux des relations, qui se voient envahis par le droit et le juridique, et non seulement en cas de conflit.
    on en arrive à tout penser en droit, et du coup on ne pense plus droit.
    de fait, le mal est mieux décrit, merci pour la distinction et le mot précis, dana.
  • merci à l'article de Jérôme Pélisse surtout :)
    cette histoire autour de quelques lignes du dernier Houellebecq, me paraît un cas typique où comme tu dis : "on en arrive à tout penser en droit, et du coup on ne pense plus droit."
    ça me pose des tas de questions et j'imagine que tu te les poses aussi (ou elles se sont posées dans le passé), dans l'éventualité où un de ces jours, je publie un truc disons franchement littéraire. Je pense ici aux problèmes liées aux clauses dérivatives.
    Autant ça ne me pose aucun problème évidemment d'imaginer une licence autorisant la libre diffusion, autant je ne vois pas quel sens ça aurait d'autoriser les modifications. J'aimerais avoir ton avis là dessus.
    Déjà ans un texte théorique, c'est quand même pas évident de se dire qu'un quidam quelconque pourrait modifier la lettre du texte, les tournures d'une phrase, substituer un mot par un autre. Il y a déjà là en général un soin apporté au choix des mots etc, qui vise à une certaine précision, l'auteur en général s'efforçant d'écrire ce qu'il veut dire (pour autant qu'il parvienne à être conscient de ce qu'il veut dire, ce à quoi paradoxalement il s'y efforce précisément en écrivant :)
    Mais dans un texte littéraire au sens où je l'entends, c'est-à-dire où ce n'est pas seulement l'histoire qu'on raconte ou les idées qu'on fait passer qui comptent, mais aussi (dans une mesure plus ou moins grande) la forme, le style, la lettre, lesquels constituent la véritable matière de l'oeuvre, excusez moi ces généralités vagues et ces banalités, mais bon,on est dimanche matin et je me réveille, dans ce cas là donc, qu'un quidam produise une oeuvre dérivée en changeant la lettre, ça va pas de soi du tout.
    D'ailleurs, je ne connais pas de textes littéraires digne de ce nom sous licence Art Libre (u alors donnez moi des exemples :) mais craignez mon jugement !
    On peut envisager le problème en terme d'oeuvre collective (qui se trouve être un des angles qui justifie habituellement la dérivation pour les oeuvres musicales et informatique) ou sous l'angle de l'amélioration ou de la correction (plus fréquente dans la rhétorique du libre concernant la création de logiciels par exemple). Bref : on touche encore une fois à ce qui me paraît être une préconception erronée (et dont les conséquences en tous cas sont pour moi inacceptables) venant de quelques uns qui veulent à tout prix que le modèle ultime de l'oeuvre d'art soit le code d'un logiciel, que l'informaticien soit l'Artiste avec un grand A, moyennant quoi, la littérature en serait un cas particulier (donc légitimement soumise à modification, amélioration, dans une ambiance collective et collaborative).
    ce à quoi évidemment je m'oppose de toutes mes forces.
  • comme je ne cesse de dire, on ne peut pas raisonner sur une oeuvre non utilitaire en termes d'oeuvres utilitaires et inversement. c'est non suelement complètement stupide mais dangereux. une oeuvre est soit utilitaire, soit esthétique, soit expression des idées (même si bien sûr ça peut être aussi les trois en même temps, une chanson engagée qui sert de musique d'ascenseur par exemple). en tout cas, il est vraiment grand temps que les imbéciles qui ne pensent le libre qu'en termes de licences libres logicielles comprennent que les licences libres logicielles (4 libertés etc.) ça ne s'applique qu'aux oeuvres utilitaires.

    en fait, ces gens-là considèrent que toute oeuvre n'est qu'utilitaire et ça me fait profondément frémir d'horreur.

    pour moi, c'est donc PIRE que la juridicisation généralisée.

    et comme je disais dans le blog de dana, j'attends toujours qu'on définisse enfin les n libertés s'appliquant à une oeuvre esthétique, une oeuvre expression des idées...

    sur ce, je retourne à ma zic.

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