Si je fait cette mise au point, c'est justement pour éviter que le débat parte en waï. Soyons humble sur notre mouvement...
L'idée d'une charte est de rester intègre et d'avoir un point de repère sur lequel se fixer. Fondamentalement, il faudra forcément en passer par de la pédagogie et des explications. Le libre n'est pas une philosophie immédiate, et c'est tant mieux!
Reste qu'avec une charte, ça fait un point d'appui pour les argumentaires.
Pour ma part, j'emploi le terme de dumping social pour que l'image parle à tout le monde. Je ne sais pas si on peut dire qu'un artiste est un travailleur de l'art. Je ne le pense pas, je ne le souhaite pas. Je fais la différence entre un créatif et un artiste.
Si effectivement, le consommateur en bout de chaîne a déjà du mal à payer pour les choses vitales, il n'y a aucune raison pour qu'il paie pour le superflu comme les arts, surtout les arts commerciaux calibrés comme des produits de consommation.
Mais il ne faut pas faire le distingo entre le consommateur et l'artiste, il s'agit de la même catégorie d'individus. Il serait intéressant de savoir d'ailleurs pourquoi les majors opposent les artistes aux consommateurs comme si leurs buts étaient différents. Et c'est là qu'il y a un début de réponse, en tant qu'artiste celui qui n'a pas le même but que moi, c'est l'éditeur, lui son objectif c'est payer le moins cher possible ma production pour la vendre le plus cher possible au consommateur et se faire une marge profitable conséquente.
Aujourd'hui, que l'on soit un artiste pro ou amateur, les coûts de production sont, dans la plupart des cas, équivalents. Nous utilisons tous l'informatique en guise de home studio et des synthés, et le travail de l'éditeur se résume à passer le résultat par des logiciels qui vont rendre la musique écoutable sur la majorité des supports.
La question est donc bien l'utilisation commerciale d'une oeuvre et les conséquences de la profusion d'oeuvres sous licences libres sur le rapport de force entre l'auteur et l'éditeur.
et je réitère ma remarque : donc selon vous, la cc-by par exemple est une licence que la charte devrait exclure. autrement dit une personne qui souhaite juste mettre à disposition sa musique, avec en tête l'idée qu'il veut imposer le minimum de contrainte, simplement parce qu'il veut contribuer à une sorte de pot commun, et bien selon vous, cette personne ne pourrait pas adhérer à cette charte ?
Revenons à la source du débat. Certains ici-même ont jugé que les textes des licences n'en disaient pas assez, qu'il fallait en baliser les usages dans un sens éthique ou politique. D'où l'idée d'une charte, qui, rappelons-le en passant, n'est pas une loi, ni même un règlement. Ce qui serait exclu du champ de la charte ne serait donc pas condamné au peloton d'exécution ou au goulag (au cas où certains auraient des craintes).
S'il s'agit de fixer une ligne de conduite éthique dont l'objectif est la création d'un champ d'activités culturelles libéré de la dictature du Commerce, eh bien là, oui, effectivement, les licences qui n'ont ni clause non-commerciale ni clause virale, de même que les licences qui mettent en danger les mélomanes, ne pourront pas être prônées par notre charte ni reconnues comme compatibles avec notre stratégie et nos buts. La licence CC-BY, en l'occurrence, est une licence libre, mais elle n'est pas copyleft et n'est pas anti-commerciale. Elle me semble donc incompatible avec nos objectifs. Ou alors, il y a eu malentendu sur les objectifs, et nous avons là l'occasion de clarifier les choses.
Une personne qui veut juste "imposer le minimum de contraintes", y compris au marché, est donc de fait dans une démarche qui ne s'oppose pas à la prédation capitaliste. Contribuer à une sorte de "pot commun", c'est ce que nous faisons tous, il me semble, mais le pot commun que je veux promouvoir, moi, c'est celui qui se libère de la domination du marché.
A quoi servirait une charte ? Il s'agit de nous regrouper sur des bases communes claires, donc forcément, cela revient à "exclure" ce qui n'entre pas dans ce cadre commun. Je ne parle pas de bannir les oeuvres sous CC-BY de Dogmazic. Je dis juste que l'utilisation d'une CC-BY dans le cadre capitaliste, de même que l'adhésion à des programmes de type Jamendo Pro, ne correspondent pas à la ligne idéologique/éthique/politique que j'appelle de mes voeux.
Bien sûr, vous pouvez tout aussi bien être en désaccord avec la ligne que je défends et en faire triompher une autre, qui consisterait par exemple à dire : la licence Hyperlibre permet ça, la licence Superlibre permet ça mais à condition que, la licence Mêmepaslibre interdit ça, ce qui est très très très très frustrant (surtout pour les coiffeurs opprimés par les auteurs tyrans), mais on ferme un peu les yeux en espérant que cette licence ne soit plus utilisée, la licence Libremoncul interdit ça et ça, ce qui est une odieuse atteinte à la liberté mais on accepte quand même dans nos rangs les tyrans qui l'utilisent à condition qu'ils ne la ramènent pas trop non plus et qu'ils promettent de ne plus recommencer, chantons tous la Liberté, le Partage, la Diversité et la Gestion Individuelle, à bas la SACEM, il n'y a pas de rapports de forces, il n'y a que des vérités essentielles...
Je force le trait à dessein. Mais bon, ce genre d'optique est légitime aussi, ce n'est juste pas la mienne.
Gestion individuelle ou non, cela ne changerait pas grand chose! En effet, même si on se fédérait, rien n'empêcherait (et heureusement) quelqu'un de quitter la fédération et le libre face à une proposition alléchante.
Oui, bien sûr. Et il est évident que seule une structure contraignante comme la SACEM, qu'on ne quitte pas sur un simple coup de tête, peut faire vraiment barrage aux pressions "alléchantes".
Disons qu'une charte, sans même parler de fédération, serait déjà un moyen d'affirmer une position collective, en attendant mieux. Mais l'avenir, j'en suis convaincu, c'est une SACEM publique vraiment ouverte à la libre diffusion non-commerciale. Le libre tel qu'il est aujourd'hui est une impasse obsolète : l'énorme et pesante machine SACEM, si longtemps aveugle et sourde, bouge déjà plus vite que les libristes dont le compteur s'est arrêté à 2006. Désolé pour le côté provoc de cette affirmation. C'est ce que je pense sincèrement et de plus en plus. J'ai fait de mon mieux pour faire bouger les lignes, mais quand ça veut pas...
C'est d'ailleurs pour cette raison que je prône le full copyleft et la pédagogie. En effet il me semble qu'amener les gens à réfléchir sur leur pratiques et la place d'une "œuvre de l'esprit" dans le monde actuelle est la seule façon de s'assurer qu'ils restent dans le libre. Or il me semble que le copyleft force cette réflexion.
C'est à la lumière de ce genre de phrase qui semble pourtant de bon-sens que je mesure le fossé qui me sépare de plus en plus de la majorité des libristes. Vous raisonnez comme si tout cela n'était affaire que de conscience individuelle, comme si la clé était de "faire réfléchir". Je ne dis pas que je suis contre la pédagogie et la réflexion, bien sûr. Mais enfin, quid des rapports de force ?
Je pense qu'une NC pourrait faire le même effet, mais pas celle des CC, car elle n'est pas pensée pour. La NC actuelle est faite pour être levée dès que le capitalisme tape à la porte... C'est d'ailleurs regrettable que si peu de personnes n'accolent les mêmes valeurs que toi derrière cette clause.
Et la SA ? Elle aussi, dans ce cas, "est faite pour être levée dès que le capitalisme tape à la porte". Pourquoi, une fois de plus, cette fixette sur la NC ?
Et puis d'abord qu'en sais-tu qu'elle "n'est pas pensée pour" ? Moi je n'ai vu ça nulle part. Y a un texte de Lessig ou je ne sais qui qui dit que la clause NC est pensée pour "être levée dès que le capitalisme tape à la porte" ?
Je m'en tiens à la lettre : une clause dit tout simplement ce qu'elle veut dire : "non commercial", "partage à l'identique". Après, c'est le fait que l'auteur en gestion individuelle reste seul détenteur du droit de lever ou pas telle ou telle clause qui fait que cette clause peut apparaître comme un outil de négociation dans le cadre d'une transaction commerciale. Le problème que cela pose n'est pas dans l'essence des clauses, ou dans leur exégèse, mais dans le rapport de forces défavorable dans lequel l'auteur en gestion individuelle se retrouve plongé.
Analyser le libre en faisant une analogie avec le dumping social et les délocalisations est certes très intéressante, mais assez casse gueule et pas très juste.
Si on imposait une rémunération élevée au libre et qu'on avait une armée d'avocats a notre service la rémunération des artistes libres ne serait guère plus élevée de maintenant. Le fait est qu'on aborde pas le problème par le bon bout.
Mais personne n'a dit que le but est d'élever la rémunération des artistes libres !
La question n'est pas là. Si un artiste libre veut être rémunéré pour sa musique, il n'a qu'à se démerder pour pondre la musique qui plaît aux diffuseurs commerciaux et, avec beaucoup de chance, il arrivera peut-être à se tailler sa part du gâteau. Ce n'est pas notre problème.
Notre problème, c'est de ne pas être, même à notre corps défendant, des outils de dumping social. Je veux justement que la musique libre devienne vraiment un espace de liberté hors marché, à l'abri des rapports de force qui s'affrontent dans la jungle du marché. Dans cette jungle, les tâcherons de la musique ont leur force de frappe, la SACEM, grâce à laquelle ils peuvent maintenir des revenus décents (je ne parle pas de revenus décents pour vivre, ce qui échoit à une infime minorité, mais d'une part décente tirée des profits réalisés sur leur travail). Si nous laissons la musique libre être un outil de dumping contre ces travailleurs (qui ne sont pas nos ennemis, et qui peuvent même, si la SACEM s'ouvre réellement au libre, être aussi nos camarades de jeu), alors, nous serons rien d'autre que les complices de leur ruine, et notre propre espace de liberté sera irrémédiablement contaminé par les forces capitalistes.
Si on regarde ce qu'il se passe dans le monde SACEM, ça n'est pas plus glorieux! Tout les modèles économiques qui naissent (il en apparaît un tout les deux jours ces temps-ci) finissent invariablement par se planter lamentablement... Pourquoi ? Quand on sait qu'une part grandissante de gens ne vont plus chez le médecin faute de moyen, c'est un peu incongru de se demander pourquoi la vente de musqiue baisse...
Et il est encore plus incongru de se faire les complices de la ruine de quelques travailleurs. Il n'y a pas de nouveau modèle économique. C'est faux. Les ventes sur certains supports s'écroulent, parce que ces supports sont obsolètes. Mais l'économie capitaliste continue d'utiliser de la musique.
Le laïus sur les fabricants de blockbuster et autre publicitaire est aussi un peu courte-vue si je puis me permettre, parce que que c'est ignorer la réalité de ces métiers : ce sont souvent des freelance ou des prestataires payés au lance pierre qui luttent pour se faire une place dans un secteur ultra concurentiel.
Ben tiens ! Justement, ces FREElances, ces prestataires payés au lance-pierre, ces auto-entrepreneurs écartés du salariat... sont tous des exploités en gestion individuelle ! Et pris à la gorge par des exigences délirantes de leurs commanditaires, par des délais intenables... ils répercutent l'oppression dont ils sont victimes sur les auteurs qui eux, lorsqu'ils sont à la SACEM, bénéficient encore de la force du collectif. L'objectif de la musique libre est-il donc d'abattre le contraignant collectif SACEM pour arriver à la liberté du freelance ?
Sans moi.
Si ca n'est plus le libre qui fait soupape, ça sera autre chose.
Hmm... Donc si on ne le fait pas, c'est d'autres qui le feront. Du coup... Non mais, tu te rends compte ?
Et pourquoi ne serions-nous pas justement, forts de notre éthique du libre, ceux qui, même en bout de chaîne, disent crânement : "non, nous ne mangeons pas de ce pain-là" ?
Sinon, encore une fois, je ne vois pas l'intérêt.
je ne vois vraiment pourquoi cette chaine de solidarité devrait être le point de mire de la culture libre.
encore une fois, défendre une économie qui repose selon moi sur des principes foireux, c'est pas une question de solidarité
Bien sûr que si, c'est une question de solidarité !
Et il ne s'agit pas de "défendre une économie", mais au contraire de combattre la toute puissance de cette économie.
Bon. Je sens décidément qu'on ne parle plus du tout le même langage. Ce n'est pas un drame. Je ne doute pas que vos intentions soient bonnes, mais les divergences me semblent décidément trop profondes pour être surmontées sans compromis bancal intenable. J'ai fait de mon mieux pour expliquer et convaincre. Il est temps que je laisse la place à d'autres (glue s'en sort très bien, je trouve). Bon courage pour votre charte.
Il doit bien y avoir un moyen de trouver un terrain d'entente.
Je pense qu'il faut voir l'art comme toutes les autres productions humaines. De fait, c'est bien le cas, nous ne produisons pas des oeuvres en dehors du système. Par contre nous pouvons faire des choix politiques quand à la manière dont les oeuvres sont proposées et comment elles vivent une fois lâchées dans la nature.
Le partage pour le partage ne signifie rien. Quand on fait un cadeau à quelqu'un, ce cadeau a une signification spécifique. Offrir quelque chose de précieux, au sens sentimental n'est pas la même chose que d'offrir quelque chose au sens pécunier.
Il y a donc un choix à faire, une argumentation à préciser, une intention à rendre identifiable et un vrai militantisme social à mettre en place.
Les artistes sont des citoyens, en France, ces citoyens vivent en République et la République française a une signification forte, Liberté, Egalité, Fraternité.
Il n'est donc pas souhaitable de faire du tort à notre corps défendant à d'autres artistes qui n'ont souvent pas eu vraiment le choix, ou plutôt qui ont préféré choisir la force du collectif ( même si c'est la Sacem ) plutôt que le rapport de force de la gestion individuelle.
Les licences ne sont pas du tout incompatible avec le collectif, bien au contraire, par contre la gestion individuelle dans une société gangrénée par les rapports de force et la division, c'est du pur néo-libéralisme.
Donc, je suis d'accord pour créer une zone de non marchandisation qui forte d'un collectif militant et politiquement identifiable est en faveur, d'une part de la protection des auteurs contre les éditeurs tout en détendant les relations avec les consommateurs, et d'autre part permettant aux artistes dans leur ensemble de garder le contrôle sur leurs créations en luttant contre le monopole Sacem.
Le droit d'auteur devra tôt ou tard être refondé, mais pas pour ressembler au Copyright, pour être plus souple vis-à-vis des utilisations non commerciales et donnant plus de pouvoir par la loi aux artistes vis-à-vis des utilisations commerciales.
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Si je fait cette mise au point, c'est justement pour éviter que le débat parte en waï. Soyons humble sur notre mouvement...
L'idée d'une charte est de rester intègre et d'avoir un point de repère sur lequel se fixer. Fondamentalement, il faudra forcément en passer par de la pédagogie et des explications. Le libre n'est pas une philosophie immédiate, et c'est tant mieux!
Reste qu'avec une charte, ça fait un point d'appui pour les argumentaires.
Si effectivement, le consommateur en bout de chaîne a déjà du mal à payer pour les choses vitales, il n'y a aucune raison pour qu'il paie pour le superflu comme les arts, surtout les arts commerciaux calibrés comme des produits de consommation.
Mais il ne faut pas faire le distingo entre le consommateur et l'artiste, il s'agit de la même catégorie d'individus. Il serait intéressant de savoir d'ailleurs pourquoi les majors opposent les artistes aux consommateurs comme si leurs buts étaient différents. Et c'est là qu'il y a un début de réponse, en tant qu'artiste celui qui n'a pas le même but que moi, c'est l'éditeur, lui son objectif c'est payer le moins cher possible ma production pour la vendre le plus cher possible au consommateur et se faire une marge profitable conséquente.
Aujourd'hui, que l'on soit un artiste pro ou amateur, les coûts de production sont, dans la plupart des cas, équivalents. Nous utilisons tous l'informatique en guise de home studio et des synthés, et le travail de l'éditeur se résume à passer le résultat par des logiciels qui vont rendre la musique écoutable sur la majorité des supports.
La question est donc bien l'utilisation commerciale d'une oeuvre et les conséquences de la profusion d'oeuvres sous licences libres sur le rapport de force entre l'auteur et l'éditeur.
Revenons à la source du débat. Certains ici-même ont jugé que les textes des licences n'en disaient pas assez, qu'il fallait en baliser les usages dans un sens éthique ou politique. D'où l'idée d'une charte, qui, rappelons-le en passant, n'est pas une loi, ni même un règlement. Ce qui serait exclu du champ de la charte ne serait donc pas condamné au peloton d'exécution ou au goulag (au cas où certains auraient des craintes).
S'il s'agit de fixer une ligne de conduite éthique dont l'objectif est la création d'un champ d'activités culturelles libéré de la dictature du Commerce, eh bien là, oui, effectivement, les licences qui n'ont ni clause non-commerciale ni clause virale, de même que les licences qui mettent en danger les mélomanes, ne pourront pas être prônées par notre charte ni reconnues comme compatibles avec notre stratégie et nos buts. La licence CC-BY, en l'occurrence, est une licence libre, mais elle n'est pas copyleft et n'est pas anti-commerciale. Elle me semble donc incompatible avec nos objectifs. Ou alors, il y a eu malentendu sur les objectifs, et nous avons là l'occasion de clarifier les choses.
Une personne qui veut juste "imposer le minimum de contraintes", y compris au marché, est donc de fait dans une démarche qui ne s'oppose pas à la prédation capitaliste. Contribuer à une sorte de "pot commun", c'est ce que nous faisons tous, il me semble, mais le pot commun que je veux promouvoir, moi, c'est celui qui se libère de la domination du marché.
A quoi servirait une charte ? Il s'agit de nous regrouper sur des bases communes claires, donc forcément, cela revient à "exclure" ce qui n'entre pas dans ce cadre commun. Je ne parle pas de bannir les oeuvres sous CC-BY de Dogmazic. Je dis juste que l'utilisation d'une CC-BY dans le cadre capitaliste, de même que l'adhésion à des programmes de type Jamendo Pro, ne correspondent pas à la ligne idéologique/éthique/politique que j'appelle de mes voeux.
Bien sûr, vous pouvez tout aussi bien être en désaccord avec la ligne que je défends et en faire triompher une autre, qui consisterait par exemple à dire : la licence Hyperlibre permet ça, la licence Superlibre permet ça mais à condition que, la licence Mêmepaslibre interdit ça, ce qui est très très très très frustrant (surtout pour les coiffeurs opprimés par les auteurs tyrans), mais on ferme un peu les yeux en espérant que cette licence ne soit plus utilisée, la licence Libremoncul interdit ça et ça, ce qui est une odieuse atteinte à la liberté mais on accepte quand même dans nos rangs les tyrans qui l'utilisent à condition qu'ils ne la ramènent pas trop non plus et qu'ils promettent de ne plus recommencer, chantons tous la Liberté, le Partage, la Diversité et la Gestion Individuelle, à bas la SACEM, il n'y a pas de rapports de forces, il n'y a que des vérités essentielles...
Je force le trait à dessein. Mais bon, ce genre d'optique est légitime aussi, ce n'est juste pas la mienne.
Disons qu'une charte, sans même parler de fédération, serait déjà un moyen d'affirmer une position collective, en attendant mieux. Mais l'avenir, j'en suis convaincu, c'est une SACEM publique vraiment ouverte à la libre diffusion non-commerciale. Le libre tel qu'il est aujourd'hui est une impasse obsolète : l'énorme et pesante machine SACEM, si longtemps aveugle et sourde, bouge déjà plus vite que les libristes dont le compteur s'est arrêté à 2006. Désolé pour le côté provoc de cette affirmation. C'est ce que je pense sincèrement et de plus en plus. J'ai fait de mon mieux pour faire bouger les lignes, mais quand ça veut pas...
C'est à la lumière de ce genre de phrase qui semble pourtant de bon-sens que je mesure le fossé qui me sépare de plus en plus de la majorité des libristes. Vous raisonnez comme si tout cela n'était affaire que de conscience individuelle, comme si la clé était de "faire réfléchir". Je ne dis pas que je suis contre la pédagogie et la réflexion, bien sûr. Mais enfin, quid des rapports de force ?
Et la SA ? Elle aussi, dans ce cas, "est faite pour être levée dès que le capitalisme tape à la porte". Pourquoi, une fois de plus, cette fixette sur la NC ?
Et puis d'abord qu'en sais-tu qu'elle "n'est pas pensée pour" ? Moi je n'ai vu ça nulle part. Y a un texte de Lessig ou je ne sais qui qui dit que la clause NC est pensée pour "être levée dès que le capitalisme tape à la porte" ?
Je m'en tiens à la lettre : une clause dit tout simplement ce qu'elle veut dire : "non commercial", "partage à l'identique". Après, c'est le fait que l'auteur en gestion individuelle reste seul détenteur du droit de lever ou pas telle ou telle clause qui fait que cette clause peut apparaître comme un outil de négociation dans le cadre d'une transaction commerciale. Le problème que cela pose n'est pas dans l'essence des clauses, ou dans leur exégèse, mais dans le rapport de forces défavorable dans lequel l'auteur en gestion individuelle se retrouve plongé.
La question n'est pas là. Si un artiste libre veut être rémunéré pour sa musique, il n'a qu'à se démerder pour pondre la musique qui plaît aux diffuseurs commerciaux et, avec beaucoup de chance, il arrivera peut-être à se tailler sa part du gâteau. Ce n'est pas notre problème.
Notre problème, c'est de ne pas être, même à notre corps défendant, des outils de dumping social. Je veux justement que la musique libre devienne vraiment un espace de liberté hors marché, à l'abri des rapports de force qui s'affrontent dans la jungle du marché. Dans cette jungle, les tâcherons de la musique ont leur force de frappe, la SACEM, grâce à laquelle ils peuvent maintenir des revenus décents (je ne parle pas de revenus décents pour vivre, ce qui échoit à une infime minorité, mais d'une part décente tirée des profits réalisés sur leur travail). Si nous laissons la musique libre être un outil de dumping contre ces travailleurs (qui ne sont pas nos ennemis, et qui peuvent même, si la SACEM s'ouvre réellement au libre, être aussi nos camarades de jeu), alors, nous serons rien d'autre que les complices de leur ruine, et notre propre espace de liberté sera irrémédiablement contaminé par les forces capitalistes.
Et il est encore plus incongru de se faire les complices de la ruine de quelques travailleurs. Il n'y a pas de nouveau modèle économique. C'est faux. Les ventes sur certains supports s'écroulent, parce que ces supports sont obsolètes. Mais l'économie capitaliste continue d'utiliser de la musique.
Ben tiens ! Justement, ces FREElances, ces prestataires payés au lance-pierre, ces auto-entrepreneurs écartés du salariat... sont tous des exploités en gestion individuelle ! Et pris à la gorge par des exigences délirantes de leurs commanditaires, par des délais intenables... ils répercutent l'oppression dont ils sont victimes sur les auteurs qui eux, lorsqu'ils sont à la SACEM, bénéficient encore de la force du collectif. L'objectif de la musique libre est-il donc d'abattre le contraignant collectif SACEM pour arriver à la liberté du freelance ?
Sans moi.
Hmm... Donc si on ne le fait pas, c'est d'autres qui le feront. Du coup... Non mais, tu te rends compte ?
Et pourquoi ne serions-nous pas justement, forts de notre éthique du libre, ceux qui, même en bout de chaîne, disent crânement : "non, nous ne mangeons pas de ce pain-là" ?
Sinon, encore une fois, je ne vois pas l'intérêt.
Bien sûr que si, c'est une question de solidarité !
Et il ne s'agit pas de "défendre une économie", mais au contraire de combattre la toute puissance de cette économie.
Bon. Je sens décidément qu'on ne parle plus du tout le même langage. Ce n'est pas un drame. Je ne doute pas que vos intentions soient bonnes, mais les divergences me semblent décidément trop profondes pour être surmontées sans compromis bancal intenable. J'ai fait de mon mieux pour expliquer et convaincre. Il est temps que je laisse la place à d'autres (glue s'en sort très bien, je trouve). Bon courage pour votre charte.
Je pense qu'il faut voir l'art comme toutes les autres productions humaines. De fait, c'est bien le cas, nous ne produisons pas des oeuvres en dehors du système. Par contre nous pouvons faire des choix politiques quand à la manière dont les oeuvres sont proposées et comment elles vivent une fois lâchées dans la nature.
Le partage pour le partage ne signifie rien. Quand on fait un cadeau à quelqu'un, ce cadeau a une signification spécifique. Offrir quelque chose de précieux, au sens sentimental n'est pas la même chose que d'offrir quelque chose au sens pécunier.
Il y a donc un choix à faire, une argumentation à préciser, une intention à rendre identifiable et un vrai militantisme social à mettre en place.
Les artistes sont des citoyens, en France, ces citoyens vivent en République et la République française a une signification forte, Liberté, Egalité, Fraternité.
Il n'est donc pas souhaitable de faire du tort à notre corps défendant à d'autres artistes qui n'ont souvent pas eu vraiment le choix, ou plutôt qui ont préféré choisir la force du collectif ( même si c'est la Sacem ) plutôt que le rapport de force de la gestion individuelle.
Les licences ne sont pas du tout incompatible avec le collectif, bien au contraire, par contre la gestion individuelle dans une société gangrénée par les rapports de force et la division, c'est du pur néo-libéralisme.
Donc, je suis d'accord pour créer une zone de non marchandisation qui forte d'un collectif militant et politiquement identifiable est en faveur, d'une part de la protection des auteurs contre les éditeurs tout en détendant les relations avec les consommateurs, et d'autre part permettant aux artistes dans leur ensemble de garder le contrôle sur leurs créations en luttant contre le monopole Sacem.
Le droit d'auteur devra tôt ou tard être refondé, mais pas pour ressembler au Copyright, pour être plus souple vis-à-vis des utilisations non commerciales et donnant plus de pouvoir par la loi aux artistes vis-à-vis des utilisations commerciales.