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Judiciarisation : bizarre, vous avez dit bizarre...
Un truc me titille depuis quelques temps. La question de la judiciarisation de la pratique musicale qui accompagne l'émergence des licences libres. Simple tautologie ? Normal, pourrait-on dire : les licences libres sont des textes juridiques, il est donc logique que les musiciens se mettent au droit...
Normal ?
Qu'on en arrive à devoir lire des textes aussi chiants qu'une licence pour pratiquer son art et avoir l'air indépendant ?
Je trouve ça à la limite du bizarre, presque aussi exotique qu'une sorte de fétichisme bondage dans un carmel en Espagne. Quoique, avec les nonnes, faut s'attendre à tout. Passons.
Avant, dans les swinging 80's, je samplais à tire larigaut, et personne ne se rendait compte que mes morceaux étaient composés de bouts d'Iggy Pop mixés à des bouts de Coltrane mixés à des bouts d'Ozzy Osbourne, ad libidum. On n'entendait que de la musique, pas des emprunts, et moi j'étais à l'aise dans mes tiags de pirate : après tout, Coltrane avait lui aussi son héritage dans le bop, Ozzy n'aurait rien pu faire sans Led Zep qui n'aurait rien fait sans Cream, et Iggy avait été à l'école de la pop avant d'être le godfather du punk et de donner naissance à une floppée d'iguanes lascifs... La musique avait toujours été une question de transmissions, d'héritages, d'interdiscursivité, et la techno est née de ça, et a par la suite donné naissance à d'autres musiques, le cycle des appropriations étant perçu par les observateurs comme une série d'innovations géniales.
Aujourd'hui, le Droit est là comme l'oeil de Dieu regardant au fond de notre tombe : "Tu ne pirateras point !". Etre un bon alternatif-indé mâtiné d'anarcho-punk teknoïde exige de vous des compétences de juriste et une parfaite obéissance à l'article 2.3 de la LAL qui stipule "Vous avez la liberté de modifier les copies des originaux (originels et conséquents), qui peuvent être partielles ou non, dans le respect des conditions prévues à l'article 2.2 en cas de diffusion (ou représentation) de la copie modifiée.
L'auteur de l'original pourra, s'il le souhaite, vous autoriser à modifier l'original dans les mêmes conditions que les copies."
Et moi j'ai de plus en plus de mal à trouver qu'on a affaire là à une libération des esprits et des corps.
En même temps, parlons de convergence : qui eut imaginé, il y a une quinzaine d'année, que des folkeux s'acoquineraient à des teknoïdes, à des jazzmens, à des plasticiens, à des informaticiens, à des rockeux, voire même à des classicos, dans un syncrétisme juridique qu'aucune utopie pop, hippy ou punk n'avait pu concrétiser, même du temps de la Factory, de Woodstock ou du magasin "Sex" de Mac Laren sur Carnaby Street. Il y a bien convergence, là où on ne l'attendait pas : dans la vénération du texte sacré, celui que dicte le Juriste Suprème.
Bizarre, bizarre, vous avez dit bizarre...
Je sais pas pourquoi je me sens déprimé par ces constats. Ca doit être le décalage horaire...
+A+
Normal ?
Qu'on en arrive à devoir lire des textes aussi chiants qu'une licence pour pratiquer son art et avoir l'air indépendant ?
Je trouve ça à la limite du bizarre, presque aussi exotique qu'une sorte de fétichisme bondage dans un carmel en Espagne. Quoique, avec les nonnes, faut s'attendre à tout. Passons.
Avant, dans les swinging 80's, je samplais à tire larigaut, et personne ne se rendait compte que mes morceaux étaient composés de bouts d'Iggy Pop mixés à des bouts de Coltrane mixés à des bouts d'Ozzy Osbourne, ad libidum. On n'entendait que de la musique, pas des emprunts, et moi j'étais à l'aise dans mes tiags de pirate : après tout, Coltrane avait lui aussi son héritage dans le bop, Ozzy n'aurait rien pu faire sans Led Zep qui n'aurait rien fait sans Cream, et Iggy avait été à l'école de la pop avant d'être le godfather du punk et de donner naissance à une floppée d'iguanes lascifs... La musique avait toujours été une question de transmissions, d'héritages, d'interdiscursivité, et la techno est née de ça, et a par la suite donné naissance à d'autres musiques, le cycle des appropriations étant perçu par les observateurs comme une série d'innovations géniales.
Aujourd'hui, le Droit est là comme l'oeil de Dieu regardant au fond de notre tombe : "Tu ne pirateras point !". Etre un bon alternatif-indé mâtiné d'anarcho-punk teknoïde exige de vous des compétences de juriste et une parfaite obéissance à l'article 2.3 de la LAL qui stipule "Vous avez la liberté de modifier les copies des originaux (originels et conséquents), qui peuvent être partielles ou non, dans le respect des conditions prévues à l'article 2.2 en cas de diffusion (ou représentation) de la copie modifiée.
L'auteur de l'original pourra, s'il le souhaite, vous autoriser à modifier l'original dans les mêmes conditions que les copies."
Et moi j'ai de plus en plus de mal à trouver qu'on a affaire là à une libération des esprits et des corps.
En même temps, parlons de convergence : qui eut imaginé, il y a une quinzaine d'année, que des folkeux s'acoquineraient à des teknoïdes, à des jazzmens, à des plasticiens, à des informaticiens, à des rockeux, voire même à des classicos, dans un syncrétisme juridique qu'aucune utopie pop, hippy ou punk n'avait pu concrétiser, même du temps de la Factory, de Woodstock ou du magasin "Sex" de Mac Laren sur Carnaby Street. Il y a bien convergence, là où on ne l'attendait pas : dans la vénération du texte sacré, celui que dicte le Juriste Suprème.
Bizarre, bizarre, vous avez dit bizarre...
Je sais pas pourquoi je me sens déprimé par ces constats. Ca doit être le décalage horaire...
+A+
Réponses
Mammon est puissant, il règne aujourd'hui. il nous oblige à des exercices assez fatigants certes, mais qui deviennent un combat inévitable : défendre les droits de tous, le droit du public, le bien commun...
le mensonge, la falsification, sont ses alliés. ainsi veut-il imposer cette "propriété intellectuelle", impropre. droit d'auteur, oui, propriété intellectuelle non.
celui qui affirme sa propriété sur une idée ou une oeuvre est un voleur depuis sa naissance.
Mais je n'en suis pas sur en fait. Ce n'est pas l'affirmation de propriété sur une idée ou une oeuvre qui m'inquiète ou me dérange, car je pense qu'une idée appartient en effet à celui qui l'a émise et la réfère à un contexte qu'il maitrise. Que celui-ci désire, par la suite, renoncer à sa propriété est une bonne chose, mais qui me paraît devoir relever du jugement personnel, et non d'un "droit" universel. je ne crois à rien qui soit universel, et surtout pas au droit qui régit les oeuvres de l'esprit. Comme tu le sais, je pense que le libéralisme apporte avec lui cette notion selon laquelle les idées seraient interchangeables, à la limite qu'elles se vaudraient toutes, et je crains que le fait de prétendre que personne n'a de propriété sur une idée relève de la doctrine libérale qui place l'échange et la circulation comme valeurs suprèmes, le marché servant de métaphore générale, ici au fonctionnement sémiotique. Pourtant ce qui fait qu'une culture en est une, c'est que des choses se transmettent ; et ce qui fait un patrimoine, c'est quand l'Etat décide d'extraire du flux des marchandises un objet, ici une oeuvre. Or, pour que des idées ou des oeuvres se transmettent, et pour qu'elles puissent être extraites du flux des échanges marchands, il faut bien au départ que l'on puisse dire "cette idée appartient à X". Sans la propriété intellectuelle, il ne reste que le marché, ou l'illusion d'une transparence généralisé qui ressemble fort à l'échange marchand : je vends, tu achètes... je préfère : "c'est à moi, je te le donne, mais saches que c'est moi qui l'ai fait". C'est un peu ce que réalisent les licences, mais je ne vois pas en quoi il faudrait remettre en cause l'idée d'une paternité sur les oeuvres, idée très proche de celle de propriété. La remise en cause de la propriété : vieille idée anar, voire communiste... où mènerait-elle ? je crains qu'elle ne mène qu'à des univers atroces, comme ceux pondus par le communisme justement, où la propriété était un peu tabou, comme dans l'Utopie de Moore, véritable système totalitaire niant l'individu au profit d'un grand tout collectiviste. Nier la propriété, intellectuelle ou matérielle, n'est-ce pas un pas en direction de la négation du sujet, négation prônée tant par le marché que par ses plus farouches détracteurs, côté communiste/anarchistes radicaux ?
La meilleure arme contre le marché, contre la dérive relativiste (toutes les idées se valent dans le Grand Tout), ou encore contre la négation du sujet par les forces collectivistes de droite ou de gauche, réside-t-elle du côté du droit ou de la piraterie ?
+A+
mais ce n'est pas du tout mon propos.
oui sauf qu'on peut très bien observer qu'aujourd'hui les plus farouches partisans de la "propriété intellectuelle" sont précisément les acteurs libéraux du marché, notamment les grands groupes de l'industrie culturelle, qui effectivement se foutent de l'auteur, et se prévalent du concept de "propriété intellectuelle" en le pervertissant. car jamais un éditeur ne peut être le "propriétaire" d'une oeuvre : je me place au plan philosophique bien sûr.
[ au plan juridique, il suffit que l'auteur signe une cession de ses droits, et les acteurs dominants du secteur savent comment amener (ou forcer) les auteurs à signer : il suffit souvent de leur dire : tu veux être célèbre ? signe là ! (ça me rappelle dans le texte de rico de 2001 : "un havane, serge ?" ) ]
bien sûr, et la transmission, ou "tradition", a partie liée avec "l'autorité" : donc avec l'auteur.
l'auteur est évidemment détenteur des droits sur son oeuvre, lui et lui seul est l'auteur de son idée ou de son oeuvre.
ce que je pointe par cette phrase provocante, ( je suis en train de réfléchir là-dessus), c'est le fait que ce qu'on appelle "propriété intellectuelle" n'a actuellement plus rien à voir avec ce que les auteurs du 17-18e qui ont initié le mouvement désignaient par là.
car une oeuvre ou une idée n'est pas un objet matériel, un outil, une chose physique. en termes économique, elle n'est pas un bien rival.
les mogols de l'industrie culturelle veulent imposer cela : que les biens culturels deviennent des biens rivaux : imposer la rareté, et la cherté, pour continuer à s'en mettre plein les poches, sur le dos des auteurs comme du public d'ailleurs.
dans ce contexte, le terme "propriété intellectuelle" est une AMD utilisée à des fins de propagande, de lobbying et de contrôle.
voilà pourquoi je sens qu'il faut attaquer ce terme, dans son usage actuel.
la crédulité des peuples
effrayés est la première
bombe à désamorcer.
après on verra.
+A+
propriété/paternité
moi aussi, qui défend paradoxalement une interprétation a minima des licences dites libres appliquées aux oeuvres de l'art, je souffre de cette judiciarisation des discours.
j'en suis le premier des judiciriasant.
et
bizarrement,
dans ma pratique de tous les jours
pour le dire crûment
je m'en branle
je mets des chansons online
et
que voguent les droits d'auteur etc...
c'est presque schizophrénique
si mes amis de vingt ans me voyaient avec mon droit d'auteur et tralala
ils n'en reviendraient pas
mais bon
j'ai une responsabilité sociale mine de rien
à cause du label
et quelque chose en moi est avide de logique
(j'adore la philosophie anlalytique américaine et wittgenstien, ça me fait fait dix fois plus bander que merleau ponty par exemple)
il y a là une exigence rationelle
ce qui veut dire qu'on essaie de pas raconter trop de conneries
du style (c'est juste un exemple hein)
JE FAIS LE CHOIX DU LIBRE
ça ça me fait faire pipi dans ma culotte
mais bon
d'un autre côté
je suis pas qu'un être rationnel
c'est-à-dire préocuppé de m'entendre avec mes semblables hic and nunc
je suis aussi un pur sauvage
ha que de tensions !!
c'est toujours la loi des rois et la loi non-écrite non ?
on en revient à ça n'est-ce pas my friend ?
c'est à peu près de ça dont vous causez là ?
parce que c'est bien joli tout ça
le droit etc..
mais on y croit surtout pour les autres
parce qu'en soi même, faudrait pas pousser trop loin quand même
Je veux dire : qui imagine Jim Morisson enflammant les foules en récitant le texte de la LAL ? Et Iggy Pop hurlant : I wanna be your free creative common licence ! Et les foules s'écriant, dans les années 60/70 : "Si le régime juridique auquel vous êtes soumis ne vous permet pas de respecter les termes de cette licence, vous ne pouvez pas vous prévaloir des libertés qu'elle confère !"
Dingue, non, ce que le monde a changé...
+A+
génial
oui
c'est hallucinant tout compte fait