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LE bon plan pour artistes en développement!

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Réponses

  • dana écrit:
    quand tu essaies de travailler avec une entreprise privée, dans le but d'obtenir un soutien financier ou autre, la contrepartie, c'est que le mécène (on peut appeler ça comme ça, ou sponsor) veut aussi apparaître à un moment ou un autre (dans la presse, pendant la manifestation, sur un maillot etc..), bref, c'est du marketing, et c'est normal.
    à titre personnel je ne crache pas là dessus : dans ma vision d'un monde possible de la création, je préconise d'ailleurs l'extension généralisée du mécénat (et la suppression du ministère de la culture), un monde où chacun (dans la mesure de ses moyens) deviendrait mécène - le rôle de l'état se limitant à de l'incitation au mécénat par le biais d'incitation fiscale.

    Il y a un truc qui m'échappe, là.
    Le mécénat individuel par des particuliers, moi je veux bien. On sait tous que c'est une utopie, étant donné que les exemples de projets financés par des dons individuels ne sont tout de même pas légion (quelqu'un peut citer des projets artistiques d'envergure ayant été réellement financés par des dons ?). Et à chaque fois qu'on nous ressert une énième idée révolutionnaire pour permettre aux nartistes de "vivre de leur art" (hadopi, taxe machin, licence globale, don obligatoire...) je vois énoncé le même constat : les dons, ça suffit pas, parce que les gens, ben ils donnent pas. Il serait trop long de gloser ici sur les causes économiques, sociales et culturelles de ce manque. Mais j'ai comme l'intuition que la majorité des gens ne sont pas prêts à donner pour la musique qu'ils ont renoncé à acheter, même si on les incite fiscalement (et comme le disait Dana, seules les classes les plus riches seraient actuellement en mesure de bénéficier de ces incitations). La possibilité de financer des projets par les dons des mélomanes est donc une projection à très long terme. Exit le mécénat individuel dans les circonstances présentes, donc.

    Reste alors la charité.
    Mais bon, pour récolter quelques pièces, t'as plutôt intérêt à aller chanter la Bamba dans le métro avec une gratte. Tes compos pondues dans la douleur ou chiées avec nonchalence (peu importe), enregistrées courageusement avec les moyens du bord, et diffusées avec amour sur internet, elles te rapporteront peut-être 5€ de temps en temps. A tout casser. Pas de quoi financer un projet, quand bien-même le projet serait-il d'aller te bourrer la gueule au bar du coin.
    Notez que ce qui est bien avec la charité, c'est qu'en fait on n'est même pas obligé de faire de la musique pour récolter du pognon. Et t'as même pas besoin d'être propre et bien habillé (alors que pour obtenir ne serait-ce qu'une subvention, il vaut mieux être propre sur soi — port de la cravate conseillé).

    Quant au "vrai" mécénat, c'est historiquement celui de Mécène, justement, mais aussi des Médicis, de François Ier, des papes, de Louis XIV, de l'Etat en général (merci les subventions), de Peggy Guggenheim, du Crédit Mutuel, ou de Pinault. Et il répond à des principes très voisins de ceux du sponsoring, finalement. Le sponsoring a un objectif commercial affiché, ce qui est considéré comme moins noble que le mécénat. Mais c'est oublier que le caractère philanthropique du mécénat dissimule le plus souvent des objectifs qui sont les mêmes que ceux du sponsoring (ce que rappelle Dana plus haut). Le mécène est un gros plein de thunes qui veut se faire mousser en s'entourant d'artistes dépendants de ses largesses, un puissant qui veut laisser sa marque dans l'histoire ou qui veut faire oublier ses turpitudes de requin de la finance ou de tyran, une entreprise qui veut soigner son image, un Etat (dirigé par des élus aux motivations souvent bassement électoralistes) qui veut absolument "rayonner" culturellement... Tiens, soit dit en passant, de tous ces mécènes, l'Etat est finalement peut-être le plus réellement philanthropique, ou, du moins, le plus soucieux d'une forme d'intérêt général. Le chef de l'Etat français (Pétain, Sarko...), le ministre de la Kultur, le notable repus chargé de la politique culturelle de telle ou telle collectivité se comporte peut-être comme un Prince, imposant ses goûts dans la plus complète opacité, mais je ne pense pas que ce soit mieux du côté des mécènes privés.

    Mais si le mécène obtient satisfaction et que son pognon permet aux artistes de faire leur truc librement, tout le monde est content, non ?
    Moi, je veux bien, mais n'oublie-ton pas tout de même le rapport de sujétion qui lie ainsi l'artiste à son mécène (ou "protecteur", comme on disait aussi à l'époque des princes, et comme disent aussi les mafieux, qui peuvent être de grands mécènes, soit dit en passant, blanchiment oblige) ? Le mécène, pour se faire reluire, peut puiser dans un vivier quasi-infini d'artistes "en herbe", "en devenir" ou "en voie de professionnalisation", comme disent les imbéciles. L'artiste, sauf chance exceptionnelle, va devoir lécher un sacré paquet de culs de mécènes avant de trouver celui qui voudra bien lui prodiguer ses largesses.
    Par ailleurs, croire que le mécénat n'implique aucune contrepartie de la part du bénéficiaire me semble un peu court. Le couple Mécène/artiste, c'est pas souvent Lebovici/Debord. La contrepartie peut aussi être morale.

    Certes, l'histoire est remplie de cas d'artistes qui ont su pondre des oeuvres grandioses grâce au pognon de leurs maîtres tout en se jouant d'eux. Le con de cardinal qui a payé pour la Piéta de Michel-Ange et le con de pape qui l'a installée au Vatican n'ont peut-être jamais compris que cette sculpture était un chef d'oeuvre de sensualité païenne, et ont cru peut-être servir leur gloire (mais qui se souvient d'eux ?) et le dieu de la foi catholique (mais qui se souvient de lui ?).
    On peut de même imaginer qu'un groupe de rock ou de rap appelle le public à braquer des banques sous l'oeil satisfait du banquier qui a mis son logo sur la scène.
    Mais bon, de là à faire du mécénat le (vieux) nouveau modèle révolutionnaire du financement de projets artistiques... ben merde. Si c'est ça qu'on propose, je préfère encore le vieux système de la vente de supports avec paiement de droits de diffusion, à tout prendre.

    Depuis que je barbotte dans les eaux de la musique libre, le mécénat érigé en idéal à atteindre me chiffonne.
    Et si les tenants de la musique libre sont sur cette ligne, il n'est pas étonnant que n'importe quel blaireau continue à venir faire ici la promotion d'opérations publicitaires, de concours à la con sponsorisés.. etc. La frontière n'est pas large entre le mécénat et ce genre de connerie.
    Nous gagnerions, je pense, à rompre radicalement avec cette idée.

    C'est un autre sujet, mais je réagis en passant à ce que disait aussi Dan plus haut.
    3. un financement direct, je donne 10 euros, c'est 10 euros dans la poche de cette troupe de théâtre, ou pour tel groupe de rock : pas d'intermédiaire qui viendrait empocher des frais, ou les salaires des agents du ministère ou des collectivités locales, etc..
    L'économie actuelle est truffée d'intermédiaires parasitaires, dont il convient de révéler l'inutilité ou la nuisance. Mais j'ai parfois l'impression que nous sombrons dans l'illusion inverse d'un monde où l'on supprimerait tous les intermédiaires, avec un vieux fond un peu poujadiste sous un masque libertaire ("on me vole mon pognon, je paie trop d'impôts, qu'on me foute la paix"...). Je voudrais juste rappeler qu'il existe aussi des intermédiaires utiles, qui rendent un réel service et dont la rétribution est légitime. Par exemple, vouloir que les 10€ que je donne à tel groupe aille intégralement dans les poches de ce groupe, c'est parfois oublier qu'à côté de ce groupe, un gusse a démarché pour trouver la salle, pour "vendre" le groupe, qu'un autre a travaillé sur le visuel (logo, décors, pochette...), qu'un autre... Bref, dès lors que la musique s'inscrit dans un cadre économique autre que le strict bénévolat, il y a une filière qui n'est pas forcément parasitaire (tous les acteurs économiques ne sont pas Jamendo).
    Méfions-nous aussi de l'idée qu'un "agent du ministère ou des collectivités locales" est inévitablement un acteur superflu payé avec nos impôts. Cela peut aussi être quelqu'un qui fait un boulot utile sans se faire exploiter jusqu'au trognon, sans être poussé au suicide, avec une relative sécurité de l'emploi qu'on souhaite à tout le monde. Parce que sinon, si on va par là, un agent territorial dans une médiathèque, c'est un intermédiaire parasitaire, par exemple. Pour ma part, je pense que non. Et j'aimerais bien qu'avec mes impôts, ma ville achète des bornes Automazic et paie un médiathécaire qui en expliquera le fonctionnement aux usagers, fera un travail de prescription, d'explication, d'accompagnement...
  • clap clap clap :)
    c'est une bien fine analyse de la situation du mécénat que tu fais là.
  • hello incaudavenum
    je n'ai pas le temps maintenant de répondre en détail, mais il y a là une série d'objections et de critiques bien trempées dans le vitriol qui me plaisent bien, et me donnent envie d'essayer quand même de répondre
    bon, quelques trucs quand même :
    - je propose pas une nouvelle solution miracle : j'essaie juste de pousser un peu dans un sens pour voir où ça mène. Après, il est évident que je pousse du côté d'une solution "libérale" au sens philosophique du terme. Une partie de tes critiques attaque cet aspect là directement. Là disons que je ne peux que déplorer mon parti pris politique en faveur de moins d'état et des institutions plurielles, en très grand nombre, plutôt qu'1 ou quelques institutions censées être représentatives etc.. Moins d'État, effectivement c'est quand même ma tendance lourde :) - je ne crois pas cela dit que les libéraux soient poujadistes :) je crois pas que les poujadistes veulent moins d'état :) ils veulent un führer :) etc..
    - mon histoire de mécénat est quand même un poil plus subtil que ce que tu décris : de fait le système que j'essaie d'imaginer n'existe pas et n'a jamais existé, même si certains faits s'en rapprochent, aussi bien ici qu'aux états Unis ou ailleurs
    ça n'a rien à voir avec le don ! et ni non plus avec le mécénat "centralisé" et "institutionnalisé" version SARD - c'est tout le contraire
    Le mécénat individuel par des particuliers, moi je veux bien. On sait tous que c'est une utopie, étant donné que les exemples de projets financés par des dons individuels ne sont tout de même pas légion (quelqu'un peut citer des projets artistiques d'envergure ayant été réellement financés par des dons ?)
    1. il s'agit évidemment de limiter le rôle de l'état là dedans à de l'incitation fiscale (mais certainement pas "esthétique"). Plutôt que de mettre le pognon de la culture dans un ministère et des collectivités locales lourdes et auxquels un choix purement arbitraire est laissé (sans qu'ils aient jamais à s'en justifier publiquement), le pognon est reversé sous forme de réductions d'impôts (ou d'autres trucs que j'imagine même pas vues mes compétences nulles en matière fiscale) et surtout je redonne la capacité de choix, et l'arbitraire, aux citoyens pris un par un (ou en petits groupes :). Mon problème (et là c'est vraiment le mien : je ne peux pas accorder aux "représentants" institutionnels un blanc seing en matière de goût. Que le don des particuliers ne marche pas, ben.. oui. Et alors ? je ne parle absolument pas de cela.
    2. Dans le monde que j'imagine (comme un enfant innocent mais vaguement paranoîaque quand on lui brandit l'institution comme mal nécessaire ou comme bien désirable - ce qui reste quand même le point de départ de quasiment toutes les réflexions sur la culture dans ce pays, à droite comme à gauche), le territoire est littéralement couvert de micro-institutions (une personne isolée, une association de soutien à tel ou tel projet, un collectif organisé chargé de convaincre les citoyens de l'intérêt de financer tel ou tel projet etc etc) : en permanence, les artistes ou ceux qui les soutiennent, sont obligés de défendre leurs projets, afin de capter des fonds. Il y a des réunions au village, des manifestations. Tu peux appeler ça de la publicité si tu veux : c' en est au sens politique : rendre public et convaincre et débattre, et soutenir son projet devant l'autre (ça me parait plus réellement démocratique que "remplir un dossier" de subvention ou s'inscrire sur jamendo) - note personelle : en tant que créateur, ce genre de machin ne l'intéresse pas à titre personnel, à titre personnel je préfère financier mes propres besoins en vue de créer des trucs autrement, et j'ai pas envie de vendre mes projets etc.. Mais bon, ça ne fait pas un programme politique mes difficultés perso avec le commerce :)
    3. je suis d'accord avec la dimension utopique du bouzin (sauf que j'ai pas l'impression que ça soit désirable mon petit monde chez les autres :) donc c'est une utopie (mon meilleur des mondes) pour moi. Mais je préfère dire : c'est un modèle - et décrire ce modèle. En même temps : tu en connais beaucoup d'autres des modèles de cette ampleur pour la culture ? Moi, quand je regarde je ne vois que du tarabiscotage et du bricolage. dans mon projet je ne me fais aucune illusion sur le fait que le bisness continuera, dans la musique et partout :) mais je pense à tous ces projets qui ne peuvent pas, parce qu'ils sont trop exigeants, ou parce que leurs auteurs n'aiment pas se comporter comme des vendeurs de lessive, entrer dans le circuit du bisness.
    4. La dimension utopique du truc , en quoi c'est irréaliste, ne me paraît pas relever d'un manque de bonne volonté qu'on suppose de la part des citoyens. Ni toi ni moi ne savons rien de cette bonne volonté. Les recherches de gens comme Amartya Sen et ses disciples sur les biens désirables, ce que veulent les gens si tant est qu'on leur demande, donnent souvent des résultats très surprenants, pas du tout ceux qu'attendraient les économistes classiques utilitaristes par exemple. L'obstacle majeure à la réalisation de mon modèle me paraît être celle de la lourdeur des inégalités sociales - qui fait que seuls les plus aisés risquent d'être en mesure de soutenir financièrement leurs préférences en matière culturelle. Et ça évidemment, c'est un obstacle terrible.
    5. En attendant ce monde meilleur, j'aimerai au moins que dans le système actuel, on voit plus souvent les institutions étatiques de la culture et les collectivités locales présenter leurs choix et en débattent publiquement, et non seulement en amont, mais aussi en aval, en suscitant des retours de la part du public. je déteste que dis je j'abhorre le DESPOTISME, et encore plus quand il se pose comme éclairé, et notamment en matière d'art et de goût. Est-ce que c'est poujadiste ? J'ai eu une discussion tendue avec un gars qui tient une galerie d'art "singulier", liée à la revue art tension, revue qui fonde ses choix en partie sur la dénonciation de l'impérialisme de l'état en matière culturelle, et surtout qui reproche au ministère de servir exclusivement une seule forme d'art plastique, l'art contemporain. Le gars était plutôt séduit par mon côté anti-institutionnel. Mais il n'a pas compris quand je lui ai expliqué que le seul truc qui m'intéressait vraiment dans les arts disons visuels, c'était justement l'art contemporain, que la peinture ça me faisait en général ni cho ni froid etc.. En fait, ce qu'il voulait, c'était non pas la suppression du ministère de la culture (comme moi), mais que ce ministère favorise désormais la vraie peinture, le vrai art - c'est-à-dire celui que ce monsieur défend précisément. ceci pour préciser ma position, qui n'est pas poujadiste à mon avis (moi je fais partie des gens qui aimeraient beaucoup payer des impôts :)
    etc
    etc
    mais bon, je ne tiens pas plus que ça à mon modèle hein.. je tente juste des trucs.. vu que de légères modifications du système existant, ça ça ne me plaît pas. Non pas que je sois spécialement radical, mais parce que ça m'ennuie, et que ça ne fait au fond (modifier légèrement le système) que conforter et maintenir les choses en l'état).
  • incaudavenenum:
    "Le mécène est un gros plein de thunes qui veut se faire mousser en s'entourant d'artistes dépendants de ses largesses, un puissant qui veut laisser sa marque dans l'histoire ou qui veut faire oublier ses turpitudes de requin de la finance ou de tyran, une entreprise qui veut soigner son image, un Etat (dirigé par des élus aux motivations souvent bassement électoralistes) qui veut absolument "rayonner" culturellement..."

    ou plus simplement obtenir un abattement sur les impots ou une deduction sur ISF.....

    c'est proche du sponsoring tres souvent ,plutot de la "com" , histoire de reluire son image comme le cas du film d'arthus bertrant "sponsorisé" par pinault.....

    mais il y a aussi "pas mal" de mecenats " "anonymes" " qui existent surtout pour des interets fiscaux en echange d'investissement culturel........

    apres on peu le voir d'un autre angle , a savoir egalement qu'il y a plusieurs types de mecenats ....

    menfin... c'est un systeme qui peut tres bien fonctionner , mais il faut que les interets d'une entreprise ou d'un particulier soient strictement fiscaux , il faut que ce soit anonyme.........pour le differencier du sponsoring.....................
  • @ Totoresk :

    Le mécénat anonyme, je ne vois pas bien ce que c'est. Mais c'est peut-être la preuve de son anonymat. :)
    Voici ce que dit Wikipédia (je n'ai pas participé moi-même à la rédaction de cet article) :
    Le mécénat n'est généralement pas un don sans contrepartie. Le mécène en attend un bénéfice en termes d'image et de reconnaissance. Le mécénat sert à façonner l'image du mécène - souvent une entreprise ou une marque- en soutenant des artistes ou des disciplines ciblées. Cet aspect contraint l'entreprise à une certaine rigueur, pour ne pas être accusée de confondre mécénat et sponsoring.(...)
    La logique fiscale est également importante dans le mécénat, grâce à la déductibilité totale ou partielle des montants engagés pour ces opérations. Par conséquent le mécénat intéresse théoriquement davantage les entreprises les plus riches car ce sont celles pour lesquelles le mécénat coute le moins cher. Françoise Benhamou remarque ainsi que lorsque Ronald Reagan réduisit en 1986 le taux de l'imposition des bénéfices des sociétés américaines, les entreprises revirent leurs dons à la baisse.

    Donc, on peut en conclure que le mécène est motivé par le renforcement de sa puissance ou de son image, quand ce n'est pas tout simplement par la volonté de payer moins d'impôts. L'art, il s'en bat les nouilles, et la musique poprockelectrofolkpunkmachinchoseindéexpérimentalepouetpouet qu'on peut trouver sur l'archive Dogmazic, ça a encore moins de chance de déclencher des torrents d'émotion chez un banquier capable, au mieux, de claquer du doigt sur du jazz (mais pas en rythme) ou de prendre l'air pénétré quand il roupille à l'opéra (l'art avec un grand A, ça fait snob, au moins, mais la sous-culture populaire, on laisse ça au vulgaire sponsoring). D'ailleurs, je pense sincèrement que le mécénat n'est que le sponsoring des snobs, ou le sponsoring le mécénat des beaufs.
    Il y eut par le passé d'authentiques amateurs d'art parmi les mécènes. Il y en a sans doute encore chez certains rejetons de grandes familles (il doit bien y avoir un ou une Rotschild qui claque sa fortune pour l'amour de l'art, j'imagine). Mais bon, dans l'ensemble, les grandes entreprises, surtout des banques, qui sont les principaux mécènes d'aujourd'hui, ne sont pas précisément des mélomanes chevelus, à ce que je sache.
    Bref, je ne trouve pas que ce mode de financement soit un horizon désirable pour la musique libre (ou la musique tout court).

    Quant aux petits mécènes qui font discrètement des dons, ben c'est plutôt des donateurs, non ? Et là, je veux bien que ce soit un horizon désirable pour la musique libre. D'ailleurs, c'est déjà en place. Il se trouve juste que les donateurs ne sont pas assez nombreux et ne donnent pas assez pour que ce financement se substitue à l'auto-financement qui est le lot de la plupart d'entre nous.
    On peut réfléchir à des campagnes de sensibilisation pour pousser les gens à donner plus et plus souvent (mais en temps de crise, ce n'est pas gagné !). Et puis, ça passe par la promotion (on ne donne pas pour ce qu'on ne connaît pas), et peut-être par des systèmes de micro-paiement plus adaptés que paypal (inventer un système équitable de paiements électroniques serait bien plus intéressant que la fumeuse SARD, à mon avis).

    @ dana :
    Sur le poujadisme : il y a une dimension libérale étonnante mais indéniable chez certains fachos (les programmes économiques du FN n'ont jamais été étatistes, par exemple). De même que peu d'ultralibéraux poussent l'anti-étatisme jusqu'à vouloir supprimer les fonctions régaliennes de l'Etat. Je n'imagine pas le moins du monde que toi, qui te réclames du libéralisme politique, tu réclames un Führer, mais je trouve que le discours individualiste anti-étatiste et notamment anti-fiscal qui s'exprime souvent dan le libre à parfois des échos qui résonnent à mes oreilles à l'unisson du poujadisme. (NB : je suis moi-même issu de la mouvance libertaire, bien plus que du marxisme-léninisme, et c'est à ce titre que je me permets cette critique de l'intérieur de l'anti-étatisme).

    Sur les incitations fiscales, ben j'avoue que ce n'est pas un concept qui me fait bander. Je ne vois pas en quoi payer moins d'impôt va inciter quelqu'un à s'intéresser vraiment à la musique. S'il s'agit juste de prendre le pognon là où il est, et de le redistribuer là où il en faut, ben justement, il me semble que c'est le rôle de l'impôt. Que les représentants institutionnels n'aient aucune légitimité à imposer leurs goûts, je suis d'accord. Mais ils ont un avantage sur les patrons ou sur les riches héritiers : ils sont élus et ont tout de même des comptes à rendre au peuple (même s'ils se démerdent pour en rendre le moins possible et pour barrer l'entrée à tout citoyen qui n'est pas de leur caste).
    Autant un album réalisé en home studio avec des bouts de chandelle peut être financé par l'auteur lui-même avec quelques dons de mélomanes s'il a de la chance. Autant des projets de grande envergure ne peuvent être financés qu'avec l'intervention d'autres acteurs économiques. Et là, l'Etat n'est pas forcément le pire despote.

    Sinon, sur les micro-institutions que tu prônes, je n'ai rien contre, bien au contraire. Mais cela me semble complètement différent de ce qu'on appelle communément le mécénat. Et lorsque les acteurs du libre invoquent le mécénat, je ne vois pas clairement de restriction contre le mécénat tel qu'il s'est défini dans l'histoire ni d'appel en faveur de l'utopie que tu défends. C'est bien ça qui me chagrine.
  • je ne tiens pas spécialement au mot mécénat en fait (même pas trop en fait)
    mais il ne s'agit pas dans mon esprit de "don"
    dans mon 'utopie', il y a quand même trois points de base :
    1. j'essaie de réfléchir à la manière dont on pourrait financer un type de création qui ne remplit pas les critères du marché, et sans pour autant remplir des dossiers de subvention ou gagner des concours à la mort moi le minou organisés par des banques ou des collectivités locales,
    2. je ne supporte plus la manière dont les décideurs culturels de ce pays accordent leurs aides à, et soutiennent tel ou tel artiste plutôt que tel autre, sans jamais prendre la peine ni se sentir obligé d'en rendre compte : or, que je sache, leur job est financé par le ministère, c'est-à-dire par l'impôt etc. Ce n'est quand même pas poujadiste que d'espérer que dans ce domaine aussi, les édiles devraient être mis en demeure de rendre des comptes et de justifier leurs choix publiquement non ?
    3. le problème du don, c'est que pour qu'il y en ait suffisamment, il faudrait que les donateurs soient suffisamment fortunés et/ou qu'il y en ait plus (et pas toujours les mêmes) - or, c'est la galère pour beaucoup de gens. L'année dernière je gagnais un peu de thunes, et j'ai donc fait pas mal de dons à différents projets, cette année, aucun (ou presque). Je peux plus. C'est très aléatoire le don, ça dépend des revenus de chacun etc. On voit bien dans la musique l'absurdité parfois qu'il y a quand on se rend compte que les disques qu'on fabrique, on les a donné à d'autres musiciens en échange de leurs propres disques. C'est sympa, mais bon.. Je suis pour l'incitation financière, dans l'état actuel des choses : à condition qu'elle soit accompagnée d'une campagne de communication du style : "maintenant, chers concitoyens, c'est vous qui faîtes les choix !", un truc dans ce goût. Qu'il y ait vraiment un programme de réforme drastique des politiques culturelles (qu'en gros, cette démocratie radicale devienne la politique culturelle, et qu'on en vienne à supprimer, non pas le ministère de la culture dans sa globalité (je suis pour que l'État continue de prendre en charge tout ce qui relève de la conservation, les archives, les monuments historiques, certains musées publiques etc., ainsi que les bibliothèques et médiathèques, etc la liste est à déterminer), mais dans ce qu'il peut avoir de despotique (fut-il éclairé) quand il prétend déterminer ce qui vaut la peine d'être soutenu pour le bien de tous (sans rien demander au peuple).
    Que les représentants institutionnels n'aient aucune légitimité à imposer leurs goûts, je suis d'accord. Mais ils ont un avantage sur les patrons ou sur les riches héritiers : ils sont élus et ont tout de même des comptes à rendre au peuple (même s'ils se démerdent pour en rendre le moins possible et pour barrer l'entrée à tout citoyen qui n'est pas de leur caste).

    le dernier point entre parenthèse est mon cheval de bataille
    je ne dis pas que les choix que font les édiles ne sont pas justifiables : je dis qu'ils devraient être justifiés dans des débats publics en amont et en aval du spectacle ou de la réalisation, et pas seulement dans le cadre de discussions semi-privées entre élus.
    t lorsque les acteurs du libre invoquent le mécénat, je ne vois pas clairement de restriction contre le mécénat tel qu'il s'est défini dans l'histoire ni d'appel en faveur de l'utopie que tu défends. C'est bien ça qui me chagrine.
    les acteurs du libre ont l'imagination complètement bridée depuis qu'ils sont convertis aux joies du bisness 2.0.
    Sinon, sur les micro-institutions que tu prônes, je n'ai rien contre, bien au contraire. Mais cela me semble complètement différent de ce qu'on appelle communément le mécénat
    je crois plus à cette multiplication tout azimut de micro-institutions (sous une forme juridique qu'on peut choisir quelque part entre l'associationloi 1901 remixée ou les COOP par exemple) qu'au mécénat radicalement individualisé. j'imagine bien un genre de micro-institution qui prend en charge une dizaine de projets (dans des arts différents pourquoi pas ?), se charge de les défendre publiquement, de capter des dons (ou si incitation fiscale, du "mécénat", de manière directe auprès de la population. Ce peut être sous forme d'aides financières, mais aussi matérielle, ou de travail bénévole par exemple), de rendre des comptes au fur et à mesure de l'avancement de chaque projet (par exemple sous la forme d'un site web où les citoyens qui soutiennent le projet peuvent en suivre l'avancement progressif), tout cela dans une forme de légalité à définir (donc une reconnaissance publique) - tant que l'état ou les collectivités locales ne sont pas autorisées à intervenir autrement qu'en faisant appliquer les lois en vigueur (et donc surtout pas au niveau "artistique").
    un truc dans ce goût donc
    La SARD m'insupporte dans la mesure où il s'agit d'une seule institution centralisée, qui se contente de prendre du fric et de le reverser sur des critères de toutes façons impossibles à définir.
    Les micros institutions dont je parle sont 1000 ou 10 000, elles font des choix subjectifs, de manière privé (comme les labels, les galeries d'art ou les collectifs d'artistes), et négocient directement avec la population leur soutien (les gens qui soutiennent y ont un intérêt financier dans la mesure où ceux qui payent des impôts bénéficieront de ristourne. Comme je n'en paye pas, je suis un peu embêté sur ce dernier point :) mais bon, c'est précisément le truc qui coince dans mon utopie (ou un des trucs qui coincent) : la culture au bout du compte financée et donc choisie par les plus riches.. comme aux states dans une certaine mesure, cf. le bouquin de F. Martel, de la culture en Amérique.)
  • @incaudavenenum:

    "Le mécénat anonyme, je ne vois pas bien ce que c'est. Mais c'est peut-être la preuve de son anonymat. "

    ce que je voulais dire par la c'est que les intérêts premier de ces types de mécène n'est pas la com,l'image.... mais les intérêt fiscaux ; ça n'est jamais totalement anonyme bien sur ....

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